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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

cela sans transgresser aucune des règles de la méthode mathématique, ni aucun des principes fondamentaux posés par les géomètres ? Bien au contraire, il va jusqu’au bout dans l’application de ces règles. Il réduit la démonstration à son minimum de données, et à son maximum de généralité, de simplicité et de rigueur. Avec la notion de nombre, grâce à l’emploi des coordonnées, il peut non seulement construire l’algèbre, mais encore la géométrie. Et l’analyse infinitésimale complétera cette œuvre.

On a appelé cette méthode, méthode analytique, par opposition à la méthode géométrique et synthétique. Au lieu de poser des éléments et d’en déduire des conséquences par constructions et par figures, en les composant entre eux, on recherche les conditions d’existence d’un théorème ou des propriétés d’une figure, en remontant de leur construction à des principes abstraits, à des axiomes et des définitions, indifférents par eux-mêmes à telle construction particulière. On ne montre plus comment se recomposent avec des éléments plus simples et réels des faits complexes, mais comment des relations complexes se déduisent de relations plus générales. La pensée scientifique s’exerce non sur une matière, mais sur des relations, des formes, des enchaînements de principes à conséquences. C’est pourquoi Mach, peu satisfait du terme « analytique » employé pour désigner cette nouvelle manière de procéder dans la systématisation scientifique, car toute systématisation reste nécessairement synthétique, se sert de l’expression « formel ». Après la phase rationnelle déductive et figurative qui succède à l’empirisme chaotique du début, la science doit atteindre — et c’est là son terme ultime, sa perfection, la fin de son évolution méthodologique — une phase rationnelle aussi, déductive aussi (ou démonstrative), mais formelle cette fois et non plus figurative[1].

Le développement scientifique commencé à la Renaissance devait donc passer d’abord par une phase figurative et conslructive, qui est le véritable commencement de la

  1. Id., p. 461.