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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

sera, elle n’aura pas à les renier. Elle ne rompra plus la chaîne ; elle y soudera des maillons.

Les solutions de maximum et de minimum, les plus courts chemins selon lesquels semblent toujours se propager tels ou tels mouvements, le principe de la moindre action, tout cela n’a plus rien à voir avec le préjugé d’une prétendue économie de la nature et d’une sage providence (puisque on peut montrer autant de preuves de la plus étonnante prodigalité et du hasard le moins sage)[1] : « Il est donc bien moins imposant, mais par cela même beaucoup plus clair en même temps que plus rigoureux et plus général, au lieu de parler de la tendance économique de la nature, de dire qu’il n’arrive jamais que ce qui peut arriver, étant données telles forces et telles circonstances déterminées[2]. »

Le mécanisme fut tout simplement l’extension de cette première œuvre définitive de l’esprit scientifique à tous les faits naturels : extension prématurée et, par suite, métaphysique, mais qui n’en est pas moins une période capitale et nécessaire du développement de la physique[3] : « Quand nous voyons les encyclopédistes du xviiie siècle se croire tout proches de leur but, qui était l’explication physicomécanique de la nature entière, et Laplace imaginer un génie qui pourrait donner l’état de l’Univers à un instant quelconque de l’avenir, s’il connaissait, à un instant initial toutes les masses qui la composent avec leurs positions et leurs vitesses, non seulement cette surestimation enthousiaste de la portée des conceptions physiques et mécaniques acquises dans le xviiie siècle nous semble bien excusable, mais elle est pour nous un spectacle réconfortant, noble et élevé, et nous pouvons sympathiser du plus profond de notre cœur avec cette joie intellectuelle unique dans l’histoire. »

À ce stade, d’ailleurs, la science satisfait déjà la plupart des exigences de l’esprit scientifique. Mais sa méthode

  1. Id., p. 429. 430.
  2. Id., p. 430.
  3. Id., p. 433.