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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

déposées en eux par une éducation théologique et par le milieu, en un mot, contre leur propre esprit religieux. Aussi les principes de la physique — alors à peu près réduite à la mécanique — ont-ils tous, au début, malgré l’émancipation de la science à l’égard de la théologie, une forme théologique, religieuse ou métaphysique, ou sont-ils reliés à des considérations métaphysico-théologiques[1]. De cela Mach cite de nombreux exemples : Descartes, Napier, Pascal, Otto de Guericke, Newton, Leibniz, Euler, ont des préoccupations d’apologétisme religieux, qui persistent dans leur œuvre physique. Galilée reprend les tendances finalistes qu’on trouve chez Héron et chez Pappus. Ces tendances finalistes, on les rencontre chez Fermat et chez Jean Bernouilli, chez Maupertuis enfin, et chez Euler à propos des principes de la moindre action, de l’invariabilité de la quantité de matière, de la constance de la somme des quantités de mouvement, de l’indestructibilillé du travail ou de l’énergie. Il ne faut pas croire d’ailleurs que ce conflit entre l’esprit religieux et l’esprit scientifique reste toujours latent et ne se traduise que dans l’analyse attentive des formules et des résultats. Ce conflit est loin de s’ignorer lui-même, et tous les grands chercheurs dont nous venons de citer les noms essayent de le résoudre et de libérer leur conscience scientifique. C’est dans leur physique un effort continuel[2].

  1. Mach, La Mécanique, tr. fr., p. 346, 419.
  2. « Pendant toute la durée des xvie et xviie siècles, et jusqu’à la fin du xviiie, la tendance universelle était de voir dans chacune des lois physiques une ordonnance particulière du Créateur. Un observateur attentif voit pourtant cette idée se transformer graduellement. Tandis que, pour Descartes et Leibniz, la physique et la théologie sont encore fort mêlées, plus tard on aperçoit un effort marqué, si pas pour écarter complètement la théologie, du moins pour la séparer nettement de la physique. La théologie est reléguée soit au commencement, soit à la fin des traités de physique ; chaque fois que la chose est possible, le domaine théologique est restreint à la création et laisse, à partir de là, le champ libre à la physique.

     » Vers la fin du xviiie siècle, on est frappe par un revivement en apparence tout à fait subit, mais qui, au fond, est une conséquence nécessaire du processus de développement que nous avons décrit. Lagrange, après avoir, dans une œuvre de jeunesse, voulu baser