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LA CRITIQUE DU MÉCANISME : L’ATTITUDE HOSTILE.


IV. — PARTIE POSITIVE : LA CONCEPTION GÉNÉRALE DE LA PHYSIQUE


1. — Mais si la physique énergétique doit se substituer à la physique mécaniste, comme une adaptation plus étroite au réel, elle n’en continue pas moins son œuvre. Elle reste dans la tradition scientifique, et Mach, pour le mieux montrer, fait l’histoire de cette tradition. Il nous montre comment le mécanisme a développé l’esprit scientifique, à son heure, l’a éloigné de son asservissement à la religion et à la métaphysique ; comment il n’a accompli la dernière partie de cette tâche que d’une façon incomplète, et comment l’énergétique a précisément la prétention de la compléter sur ce point. L’énergétique est la conséquence nécessaire des progrès de la science, des découvertes du xixe siècle, comme le mécanisme, la conséquence des découvertes du XVIe siècle et du XVIIe. L’énergétisme continue le mécanisme, si on ne voit en celui-ci que ce qu’on doit y voir : un moment de l’adaptation scientifique inaugurée par le rationalisme grec dans le domaine de la mathématique, poursuivie par le rationalisme de la Renaissance et les cartésiens dans une branche particulière de la physique, et que développe et prolonge dans les autres branches l’énergétisme lui-même. À la suite de Mach, refaisons cette histoire, en ce qui concerne la physique.

2. — La physique, dit Mach, eut d’abord à lutter contre l’église et la religion. L’histoire de ses origines à partir du XVe siècle est un long martyrologe. Mais ce n’est pas seulement contre la religion constituée, contre l’autorité ecclésiastique qu’eut à lutter la science : ce serait une grosse erreur de le croire. C’est contre l’esprit religieux sous toutes ses faces, et jusque dans ses conséquences les plus lointaines, les moins aisément perceptibles, que le combat dut s’engager, combat de tous les instants et où souvent l’esprit scientifique manqua d’être vaincu et de disparaître. En tout cas, souvent, il dut s’incliner. Ce combat avait pour théâtre la pensée des savants eux-mêmes : leur esprit scientifique eut à lutter contre les idées préconçues et latentes,