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LA CRITIQUE DU MÉCANISME : L’ATTITUDE HOSTILE.

rang d’un principe fondamental de la méthode physique[1] — l’expérience singulière qui provoquait leur investigation, avec tout un riche ensemble d’expériences conservées, accumulées d’une façon latente dans leur pensée. Elles constituaient le capital de réserve qui leur permettait d’exploiter le domaine ouvert à leur curiosité, et de produire la découverte scientifique.

L’analogie, l’assimilation qui provoquent immédiatement la généralisation d’une loi, son extension à des cas nouveaux, et souvent par un choc en retour, sa rectification, tout ce travail fondamental dans la découverte scientifique, vient de ce que l’esprit du savant contenait une multitude d’expériences antérieures, plus ou moins précises. Ces expériences se condensent peu à peu en une représentation active qui brusquement s’applique à un cas particulier et l’éclairé d’un jour nouveau. La lumière projetée sur le phénomène jusque-là inaperçu, ou mal aperçu dans l’ombre qui l’enveloppait encore, se réfléchit, revient pour ainsi dire sur son propre trajet, avec une clarté nouvelle et plus vive[2].

Dans ce travail, il est arrivé, surtout aux débuts de la physique, alors que seuls étaient aperçus les phénomènes pour l’étude desquels s’est construite la mécanique, que les représentations formées par les expériences multiples, accumulées dans l’esprit, et qui présidaient d’une façon latente à la découverte, étaient des représentations mécaniques. Mais il n’y a là qu’une contingence historique et une apparence momentanée. Les représentations qui condensent les expériences dans les esprits scientifiques actuels sont certainement autres, grossies par tout ce qu’ils savent maintenant de phénomènes qui n’ont aucun rapport avec la mécanique. Elles ont même tout à gagner à s’éloigner autant qu’il est possible de la forme mécaniste. Celle-ci est extrêmement particulière et partielle[3]. Elle représente

  1. Die Principien der Wärmelehre, p. 391 ; Populär-Wissenschaftliche Vorlesungen, pp. 266-268.
  2. Id., p. 469, 470.
  3. Andrade, dans l’article de la Revue de métaphysique déjà