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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

nombre des faits fondamentaux et des principes, puisqu’on les réduit aux faits fondamentaux et aux principes de la mécanique, en supprimant toutes les notions primordiales qu’il faudrait autrement postuler dans chacune des branches de la physique. N’y a-t-il pas là, à supposer que les hypothèses mécanistes n’aient pas de valeur objective, une épargne, une économie d’efforts pour la pensée ? L’énergétisme qui, on le verra tout à l’heure, accorde une très grande importance à cette économie de la pensée, devrait-il condamner un système aussi pratique ?

C’est précisément contre la commodité, l’utilité pratique du mécanisme que proteste Mach ; c’est pour des raisons de commodité et d’utilité pratique qu’il le rejette. Il n’y a ni économie d’efforts, ni épargne de pensée dans une hypothèse mécaniste. D’abord, la plupart du temps, elle s’ajuste mal aux phénomènes qu’elle prétend embrasser. De là, la nécessité de corrections continuelles qui sont toutes des complications nouvelles, des embarras, des causes d’obscurité, des pertes de temps ou d’efforts. Le mécanisme, dans l’ignorance où nous sommes de la véritable constitution des corps et de leurs éléments ultimes, s’établit sur des moyennes vagues, des figurations très approximatives. Il en résulte un écart forcé entre les déductions correctes du système et les données exactes de l’expérience. De plus, ces incertitudes dans de nombreuses parties de la physique introduisent des lacunes considérables, une impossibilité absolue de représenter même très approximativement les apparences réelles, par exemple, les phénomènes irréversibles, ou même les conséquences du principe de Carnot. Il faut alors introduire des mouvements et des masses cachés, que l’expérience ne révèle pas, qu’elle ne pourra jamais révéler, et qui entraînent des relations compliquées et difficiles[1].

Enfin, et c’est là la raison capitale, en admettant par impossible que dans une branche de la physique, le mécanisme arrive à fournir une hypothèse adéquate et com-

  1. Ostwald, Revue générale des Sciences, 15 décembre 1895, p. 1070.