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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

légitimation. L’hypothèse est artificielle, et les raisons pour le montrer seraient nombreuses et convaincantes.

2. — a) La première, et qui n’est certes pas la moins importante, c’est qu’il n’existe pas de phénomènes purement mécaniques. Ceux-ci sont des abstractions intentionnelles ou forcées, dont le but est de faciliter l’étude d’une catégorie de phénomènes physiques. Mais en toute rigueur, un phénomène physique, quel qu’il soit, relève de toutes les branches de la physique « qui n’ont été distinguées l’une de l’autre que pour des raisons conventionnelles, physiologiques, ou historiques[1] ».

Le préjugé qui a donné aux conditions du mouvement, dans l’examen d’un phénomène physique, une importance prépondérante par rapport aux variations thermiques, magnétiques, électriques et chimiques, a bien une signification historique. Mais l’ancienneté historique n’est pas un titre à l’universalité d’une explication scientifique. Les lois et les principes, chronologiquement premiers, ne sont pas nécessairement ceux qui doivent rester premiers au point de vue logique. Ils ont présidé aux débuts de lai science ; rien ne prouve qu’ils doivent présider à son développement tout entier, et que les origines de la connaissance scientifique en doivent demeurer la base inébranlable, malgré les découvertes postérieures.

Il semble bien plus naturel, au contraire, de penser que chaque découverte nouvelle doive modifier la base des conceptions antérieures, sans pourtant les renverser, puisqu’elles avaient des raisons d’être, des titres scientifiques qui ne peuvent être anéantis.

Dans la mécanique, par exemple, on ne considère plus le théorème du levier qui énonce pourtant la loi la plus ancienne des phénomènes mécaniques comme la base de toutes les autres. Les découvertes postérieures ont montré qu’elle n’était qu’une conséquence particulière d’une loi plus générale. Pourquoi n’en serait-il pas de même de l’ensemble de la physique par rapport à la mécanique ?

  1. Id., p. 465.