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LA CONDITION JURIDIQUE

gères. Une étude de cette nature trouverait plus naturellement sa place dans un exposé de la condition des étrangers en Chine à raison de l’importance des concessions étrangères dans ce pays[1].

Remarquons seulement qu’il y a délégation de certains droits de la souveraineté locale aux représentants des États dont les nationaux occupent les concessions. Il en est ainsi du droit de police.

Pour le droit d’administration, la délégation est imparfaite, un représentant des autorités coréennes ayant sa place dans les municipalités. Quant au droit de juridiction, son abandon à l’égard des étrangers ne résulte pas de l’octroi des concessions, puisque, dans l’Empire ottoman, où les étrangers peuvent résider partout, nous constatons un semblable abandon de la part de l’État. De plus, le gouvernement coréen n’a pas abandonné sa juridiction sur ses propres sujets : il a stipulé dans le traité avec les États-Unis que les indigènes qui résideraient à l’intérieur des concessions continueraient à être administrés par le gouverneur coréen (Traité avec les États-Unis, art. 7)[2].

De ces constatations, on peut conclure qu’en Corée comme en Chine, le gouvernement, en accordant une certaine autonomie aux concessions étrangères, n’a pas entendu renoncer à ses droits de souveraineté sur le territoire occupé par elles : il a seulement délégué l’exercice de quelques-uns d’entre eux aux puissances étrangères[3].

Pour confirmer cette opinion, on peut faire remarquer que c’est le gouvernement coréen qui s’est chargé de l’expropriation des terrains nécessaires à l’établissement des concessions, tandis que, dans les cessions à bail consenties par la Chine, c’est l’État

  1. V. pour la Chine, Dauge, De la condition juridique des étrangers en Chine, J. dr. int. pr., 1905, p. 851 et s. : Guerlet, Étude des divers procédés d’action politique des puissances en Chine, Paris, 1907, p. 49 et s.
  2. « … Et il est expressément convenu que les terrains ainsi acquis dans les ports ouverts de Corée restent toujours partie intégrante du Royaume et que tous les droits de juridiction sur les personnes et les propriétés dans ce rayon restent confiés aux autorités de Corée, sauf dans la mesure qui a été expressément abandonnée par ce traité ». Au moyen-âge, l’abandon de la souveraineté par le gouvernement local était plus complet, les consuls ayant le droit de juridiction sur tous les habitants de la concession. V. pour les principautés franques de Syrie et pour le royaume de Chypre, Francis Rey, op. cit., p. 73 et s., 92 et s.
  3. V. Dislère et de Mouy, Droits et devoirs des Français dans les pays d’Orient et d’Extrême-Orient, n. 335 ; Catellani, op. cit., 2e partie, p. 71, 82 et s., 145 et s. ; Rioche, L’organisation juridictionnelle sur les concessions européennes de Shanghaï, dans cette Revue, 1906, p. 395, note 2 ; Guerlet, op. cit., p. 62 et s.