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DES ÉTRANGERS EN CORÉE.

tion stricte. Lorsque la Corée a stipulé qu’elle réservait la juridiction de ses tribunaux dans le cas où un de ses sujets serait assigné par un étranger, il n’est pas possible d’admettre, sans porter atteinte à la souveraineté de cette puissance, que les conventions des parties puissent déroger à cette règle de compétence. Le tribunal consulaire, saisi d’une telle action, même avec le consentement du défendeur coréen, devrait donc déclarer d’office son incompétence[1].

Il est intéressant de remarquer que les traités des puissances occidentales avec la Corée, s’inspirant rigoureusement du système appliqué dans les pays de Capitulations, établissent des règles de compétence bien différentes de celles fixées par les traités passés antérieurement avec d’autres États d’Extrême-Orient. D’après les traités signés avec la Chine, par exemple, les différends entre un indigène et un étranger, quel que soit le demandeur, sont d’abord portés devant le consul étranger, qui essaie d’obtenir un arrangement amiable ; s’il n’y parvient pas, le litige est porté devant un tribunal mixte composé du consul étranger et d’un fonctionnaire indigène, qui juge en équité (V. traité entre la France et la Chine du 27 juin 1858, art. 35)[2]. Les mêmes règles étaient appliquées dans les rapports avec le Japon avant la révision des traités (V. traité entre la France et le Japon du 9 oct. 1858, art. 7)[3], et avec le Siam (V. traité entre la France et le Siam du 15 août 1856, art. 8)[4].

Les inconvénients de ce système sont nombreux : il suffit de signaler les difficultés qui pourraient résulter si les membres du

  1. V. en ce sens dans l’Empire ottoman, Cour suprême d’Autriche, 8 janv. 1884 (J. dr. int. pr., 1888, p. 282) ; 5 mai 1896 (Ibid., 1898, p. 178). V. aussi, Salem, Les étrangers devant les tribunaux consulaires et nationaux en Turquie (J. dr. int. pr., 1891, p. 803). Comp. Aréopage, sect. A, 1900, n. 10 (J. dr. int. pr., 1904, p. 449) et la note de M. Politis.
  2. Sirey, Lois annotées, 1861, p. 7. — V. Dauge, De la condition juridique des étrangers en Chine (J. dr. int. pr., 1905, p. 854 et s.), qui expose comment, à raison de l’insuffisance des dispositions des traités, on a été amené en Chine à créer des cours mixtes (p. 855-856) ; Scie (Ton-Fa), Condition des étrangers en Chine, dans la Rev. de dr. intern. privé et de dr. pénal intern., 1906, p. 118 et s. ; Catellani I, « settlements » europei e i privilegi degli stranieri nell’Estremo Oriente, 1re partie : I privilegi degli stranieri, Venise, 1902, p. 21-28.
  3. Sirey, Lois annotées, 1860, p. 18.
  4. Sirey, Lois annotées, 1857, p. 165. V. pour l’application de cette disposition, Niel, op. cit., p. 102 et s.