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LA CONDITION JURIDIQUE

plupart du temps à l’encontre des intentions des signataires de ces actes, parce que l’un des deux stipulants a pu faire à l’autre certaines concessions pour obtenir un privilège exclusif en faveur de ses nationaux. Ici il y a une étroite corrélation entre les droits et les devoirs résultant des traités. De plus, si l’on admet généralement que, dans les États chrétiens, les consuls d’une puissance peuvent étendre leur protection aux nationaux d’un État ami sans représentant, cela ne va jamais au delà d’une intervention officieuse qui ne peut porter atteinte aux droits de la souveraineté territoriale.

Il n’en est plus de même en Orient et en Extrême-Orient. Comme on l’a dit, « ce qui est exceptionnel, comme dérogatoire aux principes fondamentaux, lorsqu’il s’agit d’États de chrétienté, peut fort bien ne l’être pas, du moment qu’il s’agit de pays non chrétiens[1] ». On peut en conclure que le privilège d’exterritorialité reconnu aux étrangers en Chine, au Siam, en Corée constitue le droit commun pour ces étrangers. Il est facile de le démontrer.

Les immunités que les États chrétiens ont stipulées en faveur de leurs nationaux, et spécialement le privilège de juridiction, ont pour motif le peu de garanties offertes par l’administration et la justice territoriales. Cette raison est la même pour tous les Étais dont les institutions sont similaires, c’est-à-dire pour tous les membres de la communauté internationale.

Si l’on examine avec attention les traités passés par la Corée avec les puissances étrangères, on arrive à se convaincre que si tous les États occidentaux ont, sans exception, intérêt à faire accorder les mêmes avantages à leurs nationaux, la Corée n’a jamais eu l’intention de limiter à certains d’entre eux l’exercice de ces droits. Les traités de la Corée diffèrent, en effet, complètement des traités signés par les États de civilisation occidentale entre eux. Au lieu de comporter des obligations et des droits réciproques pour les nationaux de chacun des États sur le territoire de l’autre, on y trouve une nomenclature détaillée des droits et des devoirs des étrangers en Corée, sans réciprocité appréciable : les droits reconnus aux Coréens en France, par exemple, sont tous ceux que les États civilisés accordent aux étrangers même en l’absence de conventions. Ainsi le

  1. Rivier, Principes du droit des gens, t.  1, n. 124, p. 544.