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DES ÉTRANGERS EN CORÉE.

d’étendre aux domestiques et employés des Européens les immunités dont ceux-ci jouissent eux-mêmes et notamment le privilège de juridiction. Le régime du droit commun s’applique donc aux indigènes qui sont au service aussi bien des particuliers que des consuls étrangers. Cette solution est confirmée par la clause du traité avec les États-Unis, d’après laquelle les sujets coréens qui résident à l’intérieur des concessions étrangères restent sous la juridiction des autorités de leur pays[1].

Mais on peut se demander si les sujets ou les citoyens des États qui n’ont pas de traités avec la Corée peuvent réclamer le bénéfice des traités en se plaçant sous la protection d’un consul étranger. Un auteur, M. Dauge, examinant cette question dans les rapports d’un autre État asiatique, le Siam, avec les puissances étrangères, a soutenu avec énergie que le bénéfice des immunités consenties aux étrangers par la souveraineté territoriale ne pouvait être invoqué que par les nationaux des États signataires des traités[2].

Nous ne croyons pas cette opinion exacte. M. Dauge fait remarquer qu’au point de vue du droit pur les droits et les devoirs sont corrélatifs et que les sujets d’un État qui n’a contracté par traité aucune obligation avec une puissance asiatique sembleraient ne pouvoir réclamer des droits octroyés en échange par lesdits traités. « L’application de ce principe, ajoute-t-il, paraîtrait devoir s’imposer, dans l’espèce, avec d’autant plus de force que le droit d’exterritorialité est un droit exorbitant, privant un État d’une partie de sa souveraineté »[3].

Rien de plus exact dans les rapports des États chrétiens entre eux. Étendre les stipulations des traités à d’autres individus qu’aux nationaux des États contractants serait aller la

  1. C’est une différence avec les pays d’Orient où les employés des Consulats, drogmans, cawas, janissaires, jouissent de la protection à titre temporaire et personnel dans des conditions déterminées (V. pour la Turquie, Capitulations françaises de 1740, article 47 ; Règlement d’août 1863 ; — pour le Maroc, Règlement du 19 août 1863 entre la France et le Maroc ; Convention de Madrid du 3 juill. 1880, articles 2 et s.) et où, dans un de ces pays, le Maroc, certains agents des particuliers, les censaux, bénéficient également de la protection étrangère (V. Règlement du 19 août 1863 entre la France et le Maroc ; Convention de Madrid de 1880, article 10).
  2. Dauge, De la condition juridique des étrangers et de l’organisation judiciaire au Siam (J. dr. intern. pr., 1900, p. 462 et s.).
  3. Dauge, op. cit., p. 463.