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LA CONDITION JURIDIQUE

défenses royales furent des missionnaires français. Ils y avaient pénétré à la faveur d’un déguisement et vivaient cachés, propageant secrètement le catholicisme. Ils furent découverts et massacrés, ce qui détermina la France à faire une démonstration navale sur les côtes de Corée (1866)[1].

La même année, an navire américain, la Surprise, s’étant échoué dans les eaux territoriales, l’équipage fut bien traité et renvoyé en Mandchourie. Mais un autre navire américain, le Général-Sherman, eut un sort moins heureux. Il avait quitté Tien-tsin en 1866 et avait disparu sans qu’on eût jamais de ses nouvelles : on apprit depuis que les Coréens avaient massacré son équipage. Pour venger ses nationaux, le gouvernement des États-Unis envoya plusieurs vaisseaux de guerre sur les côtes de Corée en 1867 et en 1871, mais il ne semble pas que cette démonstration ait produit plus d’effet que celle de la flotte française en 1866[2].

Cet isolement, qui rendait la Corée impénétrable aux étrangers et qui l’avait fait appeler par les Américains et les Anglais le « royaume ermite[3] », dura jusqu’en 1875. À cette époque, un vaisseau de guerre japonais, le Unyokan, ayant éprouvé quelques vexations de la part des habitants d’une île des côtes, un ambassadeur fut envoyé au roi de Corée pour demander réparation et signer un traité. La convention du 27 février 1876 qu’il

  1. V. le P. Piolet, Les missions catholiques françaises au XIXe siècle, t.  III, p. 385 et s.
  2. Cordier, Histoire des relations de la Chine avec les puissances occidentales, t.  I, p. 265 et s., 391 et s. ; M. Courant, La Corée et les puissances étrangères (Ann. des sciences polit., 1904, p. 253 et s.). Le chef de l’escadre américaine envoyé devant Séoul en 1871 reçut du gouvernement coréen la note suivante qui montre bien l’état d’esprit des Coréens à l’égard des étrangers : « La nation coréenne a vécu quatre mille ans, satisfaite de sa civilisation propre et sans éprouver aucun besoin d’en changer. Nous restons paisiblement chez nous et ne sommes jamais allés déranger les autres peuples : pourquoi venez-vous troubler notre tranquillité ? Votre pays est situé à l’Occident, le nôtre se trouve à l’Extrême-Orient ; des milliers de milles nous séparent ; quelle est la raison qui vous a fait franchir sur l’Océan une distance aussi considérable ?… Si vous désirez vous emparer d’une partie de notre territoire, sachez que nous ne le souffrirons pas ; n’auriez-vous même que l’intention de vous mettre en relation avec nous, cela ne peut pas être non plus ». Chaillé-Long-Bey, La Corée ou Tchosen, Paris, 1894, in-4o (Annales du Musée Guimet, t.  XXVI, 1re partie), p. 11.
  3. V. Corea, the hermit nation, par William Elliot Griffis, 1882.