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DES ÉTRANGERS EN CORÉE.

pour les Occidentaux, puisque l’animosité des Coréens se manifestait même à l’égard des Chinois et des Japonais.

Depuis une époque fort reculée, la Corée avait fermé sa frontière à tous les étrangers. Sa situation géographique qui ne permettait l’accès de son sol que d’un côté, par lequel il tenait au continent asiatique, favorisa son isolement et permit que la Corée restât impénétrable aux étrangers jusqu’à la seconde moitié du siècle dernier.

Tout étranger que la tempête jetait sur ces côtes inhospitalières était retenu en esclavage. Un navire hollandais, le Sparwehr, ayant fait naufrage en 1653 dans les mers de Corée, l’équipage fut gardé en captivité et ne parvint à s’échapper qu’en 1666. Les prisonniers trouvèrent même dans le pays un de leurs compatriotes, survivant de l’équipage d’un autre navire hollandais, l’Ouderkeres, retenu en esclavage depuis 1627, pour avoir abordé en Corée.

Pour empêcher du côté de la terre tout contact avec les étrangers, les Coréens avaient dévasté sur toute l’étendue de leur frontière une bande de terrain d’une largeur de vingt lieues, dans laquelle il était interdit d’habiter et de cultiver le sol. Au cas où quelque étranger aurait réussi à traverser ce désert pour pénétrer dans le pays, des postes militaires établis le long des fleuves Yalou et Toumène étaient chargés de le repousser.

La défiance à l’égard des étrangers était telle que lorsqu’on envoyait à l’empereur de Chine l’ambassade annuelle chargée de porter le tribut à Pékin, on dressait la liste et le signalement détaillés de tous les ambassadeurs et de leur suite pour empêcher quelques Chinois de se glisser dans la mission sous un déguisement et d’entrer en Corée en profitant de son retour.

Comme certaines relations d’affaires avec les autres pays étaient cependant indispensables à la Corée, une fois par an, et seulement pendant quelques heures, les commerçants chinois étaient autorisés à faire des échanges avec les habitants dans les villes frontières de Wi-tjou à l’embouchure du Yalou et de Houne-Tchoune à l’embouchure du Toumène[1].

Les premiers Européens qui s’établirent en Corée malgré les

  1. Fauvel, La Corée, dans le Correspondant du 10 février 1904, p. 446 et s.