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l’orchestre cessait de déverser son influence, l’idole en scène resterait, aussitôt, statue.

Pouvait-il, quoique le Musicien et même le proche confident du secret de son Art, en simplifier l’attribution jusqu’à cette visée initiale ? Semblable métamorphose s’indique au désintéressement du critique qui n’a pas derrière soi, prêt à se ruer d’impatience et de joie, l’abîme d’exécution musicale ici le plus tumultueux qu’homme ait contenu de son limpide vouloir.

Lui, fit ceci.

Allant au plus pressé il concilia toute une tradition intacte dans sa désuétude prochaine avec ce que de vierge et d’occulte il devinait sourdre, en ses partitions. À défaut d’une acuité de regard (qui n’eût été la cause que d’un suicide stérile), si vivace abonda l’étrange don d’assimilation de ce créateur quand même, que des deux éléments de beauté qui s’excluent ou, tout au moins, l’un l’autre s’ignorent, le drame personnel et la musique idéale, il effectua l’hymen. Oui, à l’aide d’un harmonieux compromis, suscitant une phase exacte du théâtre, laquelle répond, comme par surprise, à la disposition de sa race !

Quoique philosophiquement elle ne fasse encore là que se juxtaposer, la Musique (je somme qu’on insinue d’où elle poind, son sens premier et sa fatalité,) pénètre et enveloppe le Drame de par l’éblouissante volonté du jongleur inclus dans le mage ; de fait, on peut dire qu’elle s’y allie : pas d’ingénuité ou de profondeur qu’avec un éveil enthousiaste il ne prodigue dans ce dessein, sauf que le principe même de la présence de la Musique échappe.

Le tact est merveille quî, sans totalement en transformer aucune, opère, sur la scène et dans la symphonie, la fusion de ces formes de plaisir disparates.

Maintenant, en effet, une musique qui n’a de cet art que l’observance des lois très complexes qu’il se dicte, mais exprime d’abord le flottant et l’infus, confond les couleurs et les lignes du personnage avec les timbres et les thèmes en une ambiance plus riche de Rêverie que tout air d’ici-bas, déité costumée aux invisibles plis d’un tissu d’accords ; ou va l’enlever de sa vague de Passion, au déchaînement trop vaste pour un seul, le précipiter, le tordre : et le soustraire à sa notion, perdue devant cet afflux surhumain, pour la lui faire ressaisir quand il domptera tout par le chant, jailli dans un déchirement de la pensée inspiratrice.