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Les Universités, le Sport et le Devoir social.

Par Pierre de Coubertin,
fondateur des Jeux olympiques modernes.

Lorsque j’eus décidé — quarante quatre années passés — de provoquer le Rétablissement des Jeux olympiques, défunts depuis plus de quinze siècle, je conviai les étudiants à m’y aider. Ils furent un peu interloqué : ceux d’Amérique parce que n’y ayant jamais songé, ils ne croyaient pas que la chose fut opportune — ceux d’Angleterre parce que le sport semblait leur appartenir par droit d’exclusivité ainsi que certaines autres institutions réputées d’essence britannique sans que la raison de ce privilège eût jamais été mûrement examinée. Quant aux étudiants d’Europe, ils étaient encore proches du temps où la culture musculaire et l’intellectualisme avaient été proclamés incompatibles sous l’influence de vieux docteurs pour qui courir, sauter, lutter, allégeaient peut-être le corps de l’homme, mais alourdissaient sûrement son cerveau.

Au Congrès initial de 1894, il vint donc de rare délégués et quelques messages sympathiques : juste de quoi rappeler que l’élément universitaire mondial n’avait pas été oublié en cette circonstance solennelle. Mais deux ans plus tard l’équipe de l’Université de Princeton se mettait en route pour franchir l’océan et mener ses muscles faire leur prière à Minerve sur l’Acropole d’Athènes à l’occasion des Jeux de la 1ère Olympiade de l’ère moderne. Ah ! quelle jolie équipe ! Il y en avait d’autres, bien entendu, mais celle-là semblait recéler la certitude prochaine d’une jeunesse renouvelée, capable de combiner la science, l’art et la force. Un photographe allemand de grand talent recueillit leur silhouette au passage, un jour d’entraînement que ces garçons s’étaient groupés avec une grâce spontanée sur les vieilles pierres qui, dans le Stade d’Athènes, représentent tout ce qui reste du temps de Periclèse. Ce fut comme la vision d’accès de l’esprit universitaire moderne au sein de l’Olympisme ressuscité.

Bien du temps a passé depuis lors. Sans recul, sans arrêt l’Olympisme a grandi, faisant taire les rancunes, abattant les hos-

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