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M. LOUIS DELMAS. — L’OPTOTHÉRAPIE.



siècles, une esquisse singulièrement hardie et sûre de « doctrine microbienne » ?... Perpétuelle et obsédante affirmation du multa renascentur.

Parmi les produits humains introduits, dès la plus haute antiquité, dans les officines les mieux achalandées, nous citerons en outre:

Les os pulvérisés., « On estime, dit du Pinet (1680), que les os du corps humain réduits en poudre sont bons pour toutes sortes d’infirmités, et que chacun a son membre approprié pour le guérir. Ainsi la poudre de crâne guérit la migraine et le haut-mal. » Bien autrement active et réputée, mais aussi beaucoup moins commune, est l’usnée d’Irlande, cette mousse hideuse et verdâtre dont se revêtaient, après la dénudation des téguments, les crânes des malheureux pendus, que d’inexorables . coutumes locales laissaient indéfiniment accrochés à leurs gibets. Nul ne surpassait les apothicaires de Dublin dans l’art impressionniste d’étaler aux vitrines de leurs boutiques les échantillons les plus appréciés de cette macabre végétation, qu’on venait de toutes les parties de l’Europe leur acheter à grand prix. Ce ne sont encore là, même à l’apogée du grand siècle, que de simples préparations galéniques, c’est-à-dire à l’état de nature et nécessairement grossières. Mais l’habileté de plus en plus raffinée des manipulateurs les élèvera bientôt au rang d’extraits quintessenciés qui, sous la double forme de « sel volatil » et d’« huile rectifiée de crâne humain », figureront très honorablement au codex de 1758, parmi les remèdes à prescrire contre ces deux redoutables maladies « intracrâniennes » par excellence, l’épilepsie et l’apoplexie.

Le sang humain, administré d’abord dans toute sa répugnante crudité, puis, le progrès aidant, offlcinalement conservé à l’état de « sel volatil », était considéré comme très efficace pour purifier la masse sanguine, dans certaines maladies cachectiques telles que le scorbut : « Mais, selon la recommandation expresse du même codex, on aura grand soin de ne prendre que le sang frais de jeunes gens sains et dont les cheveux ne soient pas roux. »

L’urine, la salive et même les excréments de l’homme desséchés et pulvérisés jouissaient aussi d’une renommée qui résista, pendant des siècles, au dénigrement non moins rationnel qu’intéressé des apothicaires. Ces peu attrayants remèdes n’ont en effet disparu des-traités de matière médicale qu’à partir du xvme siècle. Mais l’affinement des mœurs fut la principale, sinon l’unique cause de leur faillite thérapeutique. Ils continuèrent, malgré tout, à conserver dans les traditions populaires les vertus que de fort doctes praticiens du grand siècle n’hésitaient pas à leur reconnaître. L’a « salive » passait pour un topique de choix contre les morsures de vipère. On prescrivait 1’ « urine » d’enfant ou de jeune homme sain dans les cas de gravelle ou autres maladies de la vessie, d’hydropisie, les em- .poisonnements et, ajoute du Pinet, « pour soulager les personnes qui ne peuvent respirer étant droites ». Malgré son apparente bizarrerie, ce dernier effet était, au fond, le seul positif et déterminé qu’il fût possible d’attendre d’une médication aussi exagérément naturelle : il résultait de l’action bien connue des sels ammoniacaux que la fermentation urinaire fait rapidement développer.

Cette illusionnante self-thérapie ne pouvait toutefois, pour de nombreuses raisons, prendre dans la pratique une extension illimitée. En réalité, c’est aux organes des produits similaires des animaux, infiniment plus accessibles, que l’on demandait la satisfaction des mêmes exigences médicamenteuses-Le champ d’exploitation était ici aussi vaste que fécond. La faune domestique ou sauvage assurait, en tout temps, et presque toujours à peu de frais,une facile et abondante récolte. On citerait avec peine un animal connu, quelles que fussent sa taille, son organisation et ses aptitudes, qui n’ait eu, au point de vue curatif, un sang et un emploi définis. Nous nous contenterons de donner les quelques exemples ci-après exclusivement tirés des prescriptions pour l’usage interne.

Sang. — Le sang de chat-huant avait le renom de guérir les accès d’asthme ; celui du chien était souverain contre les empoisonnements, ainsi que dans le mal caduc et les « menaces de rage » : les épileptiques se trouvaient bien de boire du sang de tortue.

Bile. — Le fiel passait, en général, pour un laxatif avéré. Celui d’ours, pris en électuaire, est très bon contre le haut mal. Les pierres du fiel de bœuf, administrées en breuvage, font sortir celles de la vessie. On les donne aussi à boire contre la jaunisse.

Lait. — Le lait de chienne qui n’a fait qu’une portée est un excellent contre-poison. Celui de chèvre guérit les maladies de vessie ; on le donne également, et l’usage en est resté, aux malades atteints d’affections pulmonaires. Ce qui nous est aujourd’hui assez nettement expliqué par la notion de la résistance organique que la chèvre oppose à la tuberculose.

Les bézoards (calculs intestinaux), surtout ceux d’une chèvre spéciale de l’Inde, pulvérisés et donnés en boissons, étaient très efficaces contre le vertige, les palpitations, la gravelle, la « dysenterie » et les poisons.

Aux propriétés médicamenteuses de ces produits de leur élaboration biologique ou même patholo-