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M. ÉM. MEYERSON. — LA DÉCOUVERTE DE L’HYDROGÈNE.

Vienne
5007 étudiants.
Graz
1245
Innsbruck
1496
Prague (allemande)
863
Prague (bohémienne)
2035
Cracovie
1138
Lemberg
1101
Czernowilz
245


On aurait mauvaise grâce à nier, après la lecture de ces différents tableaux, que la création de l’université tchèque de Prague n’ait pas répondu à une véritable nécessité ; on aurait mauvaise grâce également à refuser de croire à la vitalité intellectuelle d’un peuple de cinq millions qui est capable de fournir plus de deux mille jeunes gens aux études supérieures. Les Tchèques étaient jusqu’ici le seul groupe important de la monarchie austro-hongroise qui ne possédât pas d’université ; aujourd’hui, voici comment dans la monarchie les hautes études sont distribuées par rapport aux différentes races :

Allemands, 10 millions… 5 universités.
Vienne.
Graz.
Prague.
Innsbruck
Czernowitz (incomplète)
Tchèques,
Slovaques,
5
2
millions…
   —
1
xxxxxxxxPrague.
Hongrois, 5 xx 2xxxx
Pesth.
Klausenburg.
Polonais, 2 xx 2xxxx
Cracovie.
Lemberg (incomplète)
Serbes,
Croates,
3
1
xx
1
xxxxxxAgram (incomplète).
Italiens, 1 xx 0xxx xxxx(Cours en italien à Innsbruck.)
Slovènes, 1 xx 0xxx
Roumains, 1 xx 0xxx


La fondation de l’université tchèque a été, il faut bien le reconnaître, la conséquence d’un mouvement anti-allemand. C’est que, depuis longtemps, les Tchèques étaient considérés comme des parias par l’aristocratie intellectuelle et commerciale allemande. Aujourd’hui, il y a à Prague, entre les deux races, une animosité que le visiteur aperçoit dès le premier jour. Cette animosité s’est naturellement traduite dans les universités. Les étudiants ne se fréquentent pas d’une université à l’autre ; les professeurs de l’une n’ont le plus souvent aucun rapport avec ceux de l’autre. On se regarde un peu comme chien et chat obligés de vivre côte à côte. Les Tchèques mettent une certaine coquetterie à ne pas parler l’allemand, même quand ils le connaissent fort bien. Il faut dire aussi que le nombre des étudiants tchèques parlant allemand diminue chaque année ; en revanche, celui des étudiants qui parlent le français augmente tous les jours.

Les professeurs de la faculté de médecine tchèque ont fondé des archives dans leur langue nationale. Ces archives (Sbornik Lekarsky) sont dirigées par deux jeunes professeurs bien connus chez nous, MM. Hlava et Thomayer : chaque article publié en tchèque est suivi d’un résumé en langue française seulement. De là, fureur dans tout le monde allemand ! Aussi les savants tchèques ne peuvent-ils plus rien publier dans les recueils allemands : ils ont, ce me semble, quelque droit à compter sur l’hospitalité française.

Je ne veux pas terminer cet article par une comparaison entre le monde des deux universités de Prague. Je ne veux pas parler de la haute valeur des professeurs de l’université allemande et de la déférence à laquelle un grand nombre d’entre eux ont droit de la part du monde scientifique. Mais je dois déclarer que les travaux des professeurs tchèques montrent depuis quelques années que la plupart des choix ont été heureux ; sans doute, jusqu’ici, ces maîtres ont eu plus à se préoccuper de l’organisation de leurs instituts que de leurs recherches personnelles ; mais on commence à voir, dès maintenant, que l’université tchèque ne veut pas rester au-dessous de son illustre rivale. Ce sera un des bienfaits de la politique si, en mettant l’une en face de l’autre ces deux concurrentes, elle a provoqué une émulation plus vive et un amour plus grand pour la science[1].

P. Loye.



HISTOIRE DES SCIENCES

Théodore Turquet de Mayerne
et la découverte de l’hydrogène

Dans la série des éléments l’hydrogène occupe incontestablement une place à part. Si l’hypothèse de Proust a dû être abandonnée à la suite des mémorables travaux de Dumas, de Stas, de Roscoë, si nous ne voyons plus dans l’hydrogène la matière primitive même, toutefois, ce gaz, le plus léger de la nature, nous apparaît toujours comme l’élément le plus simple, l’élément type, celui auquel on compare le poids atomique et la valeur des autres.

La découverte de l’hydrogène est certainement une des plus grandes dans le domaine des sciences physiques. Elle a dû avoir lieu dans le cours du XVIIe siècle, car l’hydrogène était inconnu des anciens ; les alchimistes du moyen âge n’en parlent pas et Paracelse, nous le verrons, l’ignorait. C’est en 1700 que Nicolas Lémery en a décrit longuement la préparation et les principales propriétés.

  1. Les programmes des cours et des examens sont les mêmes dans les deux universités. Pour préparer leurs examens, les étudiants tchèques ne possèdent pas encore tous les livres classiques, mais ils ont fait autographier les cours de leurs professeurs. Ceux-ci travaillent, tous du reste, à la préparation d’ouvrages en langue tchèque sur les diverses parties de la science, du droit et de la littérature.