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L’ÉVOLUTION MILITAIRE AU XVIIe SIÈCLE

pas à les décimer. L’enrôlement volontaire, d’autre part, donnait peu ; les avantages n’étaient pas suffisants pour attirer les hommes. Il valait encore mieux recourir au marchandage. Il existait des sortes d’entrepreneurs, gens disposant d’ordinaire de relations utiles et de capitaux assez considérables, avec lesquels les gouvernements s’abouchaient. On se procurait ainsi des régiments entiers composés de Suisses, ou d’Écossais, ou d’Allemands. À la bataille des Dunes en 1658 il n’y avait pas moins de vingt sept régiments étrangers engagés du côté français.

La discipline dans une armée ne repose pas seulement sur l’obéissance mais aussi sur la hiérarchie. Il faut que les préséances soient en quelque sorte établies mathématiquement. Rien de tel n’existait au xviie siècle. On comparait alors — et très justement — l’armée à une république composée d’autant de cantons on de provinces qu’il existait de lieutenances générales. Dans l’intérieur de ces cantons d’ailleurs régnait une espèce d’anarchie très spéciale faite de privilèges, les uns à demi-légaux, les autres extra-légaux, plus ou moins contradictoires et dont les intéressés étaient prêts à défendre le maintien fut-ce les armes à la main. On cite des régiments dont les disputes à cet égard avaient dégénéré en bagarres sanglantes. Il y avait les deux, les petits vieux et les nouveaux. Les « vieux » régiments bénéficiaient de mille petites prérogatives propres surtout à entraver la marche du service et à rendre la coopération plus épineuse et plus difficile entre eux et les « petits vieux » lesquels, à leur tour, passaient leur dédain sur les « nouveaux ». Le pire des abus (et à celui-là Michel Le Tellier ne crut pas pouvoir remédier en en supprimant la cause) venait évidemment de la coutume d’acheter les grades. C’était là une véritable absurdité. On ne comprend pas comment, avant toute autre réforme, la nécessité de celle là ne s’imposa pas aux monarques et à leurs ministres. Il était trop clair qu’on n’obtiendrait jamais une exacte discipline d’officiers ayant acheté leur charge ; des difficultés budgétaires pouvaient naître assurément de la suppression de cette source de revenus mais elles n’étaient pas si grandes qu’on ne dut tout tenter pour les surmonter ; et il n’apparaît pas que l’on y ait sérieusement songé. Le régime de la vénalité des grades rapportait passablement mais il n’était pas