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REVUE POUR LES FRANÇAIS

Ceux-là — il s’en trouve dans tous les partis — ne devraient-ils pas apporter une plus grande énergie à combattre des procédés qui déshonorent notre régime parlementaire et qui ruinent le crédit de la France ?…

La déroute du parti libéral espagnol.

Malgré la sympathie du roi et sa persévérance à les tenir au pouvoir, les libéraux espagnols ont dû abandonner leurs portefeuilles. En moins de dix-huit mois, cinq ministères sous la présidence des hommes les mieux qualifiés du parti, MM. Montero Rios, Moret, le général Lopez Dominguez, le marquis de la Vega de Armijo se sont écroulés sans avoir accompli aucun de leurs « grands desseins ». Le plus curieux, c’est que ces cinq ministères — dont l’un n’a pas duré quatre jours — ont été renversés par leurs meilleurs amis ou prétendus tels. On peut ainsi dire qu’ils se sont suicidés. Unis, les diflérents groupes du parti libéral eussent longtemps gouverné et fait aboutir leur programme ; divisés contre eux-mêmes, ils se sont mutuellement déchirés mieux que ne l’aurait su faire l’opposition la mieux conduite et ont simplement consacré leur impuissance à gouverner.

La véritable cause de leur déroute est venue de M. Canalejas, un turbulent parmi leurs chefs, et de son intransigeance sur la politique religieuse. Hanté par l’exemple de la France, il avait inspiré et fait déposer un projet de loi sur les associations d’une immodération telle qu’il souleva une opposition violente jusque chez les anticléricaux. Lourde faute ! Il y a encore des Pyrénées : vérité en deçà devient erreur au-delà. Si l’Espagne perçoit, à vrai dire, certains abus flagrants des congrégations religieuses, elle n’en reste pas moins un pays essentiellement clérical. Vouloir y entreprendre ex abrupto une politique nettement antireligieuse, c’était heurter de front les sentiments intimes de sa population entière. Il en est résulté un malaise que la retraite du parti libéral devait seule pouvoir dissiper.

Il faut à présent souhaiter bonne chance et longue durée au ministère conservateur de M. Maura. Espérons pour l’Espagne qu’il saura réaliser l’exception nécessaire à cette règle dont il est l’auteur : « Les partis se défont au pouvoir et se refont dans l’opposition ».