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LES CIVILISATIONS AUTOCHTHONES

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actuels une faible capacité d’adaptation à la civilisation de leurs conquérants européens.

Toutefois, en se rapprochant de la région des tropiques, où la fertilité du sol est si grande, on rencontrait des tribus agricoles groupées dans des villages et régies par des institutions semicommunistes. Mais nulle part ces communautés restreintes n’avaient pu sortir de leur isolement et former, par traité ou con trat, des associations de quelque importance : la guerre de chacun contre tous resta partout la loi des relations entre tribus voisines. Sur deux points seulement, l’Amérique put montrer à ses explo rateurs intéressés quelque chose d’analogue à ce que nous nommons des nations ou des États sur le vieux continent. Nous voulons parler du royaume des Aztèques et du royaume des Incas. Il faut noter, dès à présent, que tous deux avaient été réalisés par la conquête. Rappelons ici une conviction qui s’impose chaque jour davantage à la sociologie contemporaine, par le progrès de la science historique : à l’origine de tout groupement humain de quelque importance, on rencontre un fait de conquête, qui, en supposant la race conquérante douée de quelque sagacité utilitaire, sera suivi par l’établissement d’une constitution quasi-féodale. Supposons qu’un groupe de quelques milliers d’hommes, liés entre eux par la rude et solide discipline sociale du clan, pourvus individuellement de qualités militaires et morales éminentes, entreprenne la conquête de peuplades dont la vie sédentaire et agricole ait émoussé déjà les vertus martiales. Supposons que ces conquérants, une fois dominateurs incontestés d’un territoire vaste et bien peuplé, renoncent à piller ou à détruire aveuglément autour d’eux pour exploiter rationnellement leur conquête. Suppo sons enfin que, doués du génie organisateur, ils délèguent quel ques-uns des leurs afin d’occuper solidement les points stratégiques importants de la région, et de comprimer tout retour offensif des vaincus. Dès lors, conservant par des relations fréquentes et des réunions périodiques leur précieuse cohésion sociale et militaire, ils auront constitué un État qui peut enfermer désormais plusieurs millions de participants, en comptant les seigneurs et les serfs. Un premier exemple de cette évolution sur le sol américain nous est fourni par les Aztèques. Quand Fernand Cortès et ses aventu riers castillans atteignirent le pueblo de Mexico et nouèrent avec l’infortuné Montezuma des relations qui devaient finir pour le chef indien d’une façon si tragique, ils virent autour d’eux les institu ai