Page:Revue pour les français, T2, 1907.djvu/558

Cette page n’est pas destinée à être corrigée.

890

REVUE POUR LES FRANÇAIS

ques années, les études sur la société américaine avant l’appari tion de l’homme blanc : de consciencieux érudits ont largement puisé dans les archives espagnoles et publié maints documents qui se rapportent aux premiers temps de la conquête : rap ports de gouverneurs, commentaires d’administrateurs, relations de missionnaires. On voit maintenant plus clair dans un passé qui fut si rapidement effacé par les progrès d’une civilisation supérieure. Bien des lacunes subsistent sans doute, et ne seront jamais comblées peut-être : mais quelques erreurs grossières ont été écartées sans retour.

Il convient de tirer un premier enseignement des institutions qui régissaient la vie de famille parmi les habitants de l’Amérique. On y retrouve presque partout les vestiges d’un groupement ana logue à celui que les premiers Latins nommaient la gens, et les Celtes gaéliques le clan, groupement qui semble avoir ainsi mar qué le plus souvent une étape importante de l’évolution sociale. La parenté est presqu’uniquement établie dans la ligne féminine, qui seule donne des indications certaines en effet. Les descendants d’une même mère restent étroitement groupes pendant des géné rations. La succession des offices, héréditaires se fait du frère an frère utérin, ou de l’oncle au neveu né d’une sœur. — Il est inter dit de se marier dans son propre clan, usage qui écarte les unions entre proche parents, généralement peu avantageuses à la race et fournit un grand avantage sélectif aux peuples qui ont adopté cette constitution familiale. Par une lente évolution, l’Europe a passé de ce système à celui de la famile monogame : progrès certain, puisque les nations qui l’ont adopté ont aujourd’hui la suprématie dans le monde.

Les groupements sociaux d’ordre plus élevé que le clan, cens que les liens du sang ne suffisent pas seuls à maintenir, n’avaient pas pris un grand développement sur le sol américain lors de l’arrivée des conquérants blancs. Tout le nord du continent nou veau était habité par des tribus chasseresses et guerrières, asso ciant tout au plus quelques milliers d’individus dans leurs fédéra tions les plus étendues. La division du travail ne pouvait être poussée bien loin au sein de ces petits groupes ; ils sont demeurés stationnaires et semblent même avoir légué à leurs descendants