Page:Revue pour les français, T2, 1907.djvu/43

Cette page n’a pas encore été corrigée
509
LA VALEUR MORALE DU FOOT-BALL

du plus digne. Impossible de faire entrer dans le choix du capitaine d’autres considérations que celle de sa valeur technique sans s’exposer à perdre la partie. Les quatorze hommes qu’il a sous ses ordres doivent obéir aux injonctions nécessairement brèves et péremptoires qu’il leur donne car l’occasion n’autorise pas les longs discours ou les formules élégantes. C’est lui qui distribue entre eux les différents postes, avants, demis, trois-quarts et arrière lesquels correspondent à des fonctions et à une tactique différente. On n’imagine pas, à moins d’en avoir fait partie soi-même, quelle belle école de discipline représente une équipe de foot-ball.

C’est aussi un jeu de foule ; trente hommes à la fois sur le terrain c’est une foule et, par là encore, il est démocratique et moderne. Il l’est enfin par l’absence de luxe : une prairie, quatre piquets et un ballon, voilà tout le matériel nécessaire. Sans doute dans les grandes villes ou même aux environs, les prairies n’abondent pas. Mais le même terrain peut servir à plus d’un club.

Tout cela rappelle grandement ces belles journées de jeux populaires dont M. Siméon Luce a parlé dans son curieux livre sur la France pendant la guerre de cent ans. Quoi qu’on en ait dit, le foot-ball ne ressemble point à la « soûle » de ce temps-là, jeu simple et fruste qui ne comportait qu’une tactique rudimentaire. Mais il suffit de lire ces lignes si suggestives extraites du journal manuscrit du sire de Gouberville pour regretter qu’à la soûle d’autrefois n’ait pas succédé, dans la faveur des ruraux, notre admirable foot-ball d’aujourd’hui : « Le 14 janvier 1552, au soir sur les onze heures, écrit le sire de Gouberville, j’envoyai François Doisnard chez mon cousin de Brillevast et chez le capitaine du Theil afin qu’ils nous amenassent de l’aide pour le lendemain. Je lui envoyai par Jacques et Lajoie un sou pour sa peine et lui mandai qu’il me fit réponse de son message avant la messe. Le lundi 15, jour de Saint-Maur, avant que je fusse levé, Quineville, Groult et Ozonville, soldats au fort, arrivèrent céans venant de Valognes. Nous déjeunâmes tous ensemble puis allâmes à Saint-Maur. Nous y arrivâmes comme on disait la messe laquelle dite, maître Robert Potet jeta la pelotte (ballon) et fut débattue jusques environ une heure de soleil et menée jusqu’à Bretteville ou Gratian Cabart la prit et la gagna. Y étaient : Mon cousin de Raffeville, mon cousin de Brillevast, maître Guillaume Vastel de Réville, le capitaine du Theil, Nicolas Gohel, Bouffart d’Orglandes et plusieurs autres de mon parti ; et des adversaires, le Parc, Arteney, maître Guillaume