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UNE GUERRE DE CENT ANS

affluèrent de partout, en argent et en nature. Et tandis que le premier congrès « continental » (on n’employait encore que très rarement le mot américain) réunissait, à Philadelphie, 53 députés, du nord au sud les préparatifs de résistance armée se multiplièrent.

Le 19 avril 1775, jour mémorable, 800 Anglais sortirent de Boston pour disperser « une bande de rebelles » campée auprès du village de Lexington. Après une sommation, les soldats tirèrent : 7 Américains tombèrent. La séparation était faite. La bande de rebelles se trouvait mieux préparée à combattre que ne le croyait le général anglais. Ses soldats furent repoussés. Alors commença une retraite sanglante. Le pays entier semblait se lever comme un seul homme. Derrière chaque arbre, dans chaque repli de terrain, au coin de chaque maison, il y avait un Américain, le fusil à la main… Près de 300 Anglais furent tués. La nouvelle courut d’une ville à l’autre avec une incroyable rapidité. Partout des comités de salut public se formèrent ; les gouverneurs furent chassés ; les habitants se réunirent en armes, prêts à partir. Le 10 mai, le congrès s’assembla de nouveau à Philadelphie, décréta une levée de 20.000 hommes et appela Georges Washington au commandement suprême.

Et la lutte commença. Elle devait durer plus de six années. Si les troupes anglaises, en effet, n’évacuèrent l’Amérique qu’à la fin de 1782, on peut considérer que la guerre cessa le 19 octobre 1781, lorsque Cornwallis, assiégé dans Yorktown par 9.000 Américains et 7.000 Français, signa la capitulation fameuse dont le centenaire a été célébré en grande pompe, il y a vingt-cinq ans. Cette lutte, nul ne l’avait prévue si longue, si douloureuse, traversée par des circonstances adverses si nombreuses et si inattendues. La perspective alors n’en eût pas été supportable ; elle eût amolli tous les cœurs, découragé tous les dévouements. La guerre de l’indépendance est une de ces périodes historiques qui sont claires et compréhensibles quand on se borne à en énumérer les principaux événements, qui deviennent singulièrement confuses et compliquées dès qu’on cherche à les analyser, à y démêler surtout la part de l’individu et celle de la foule, le rôle de la force matérielle et celui de la force morale. Considérons un moment les deux adversaires. Entre eux, la disproportion semble énorme. L’Angleterre est homogène ; elle a un gouvernement indiscuté, solidement établi, dont l’attitude est approuvée, d’ailleurs, par la majorité de l’opinion publique. Elle