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REVUE POUR LES FRANÇAIS

ment se réunir dans quelque local privé pour y continuer leur besogne législative ; elles opposaient des fins de non-recevoir aux sommations des gouverneurs et continuaient à donner en toute occasion des assurances de fidélité à la couronne. Georges iii reçut un nombre considérable d’adresses dans lesquelles ses « loyaux sujets d’Amérique » lui exposaient leurs griefs en le priant « humblement » de les prendre en considération. » J’ai toujours pensé, écrira plus tard Madison[1], que le rétablissement des relations coloniales avec la mère patrie telles qu’elles existaient avant le différend, fût le vœu sincère de toutes les classes de la société, jusqu’au moment ou le désespoir de le réaliser, joint à l’exaspération résultant des malheurs de la guerre et de la manière dont elle était conduite, eut préparé tous les esprits à la déclaration de l’indépendance. » — « Durant le cours de ma vie, écrira à son tour John Jay et jusqu’à la seconde pétition du congrès en 1775, je n’ai jamais entendu un Américain, quels que fussent son caractère ou sa condition, exprimer un vœu pour l’indépendance des colonies. J’ai toujours cru et je crois encore que notre pays a été entraîné et poussé à la séparation par nécessité et non par choix. » — « Avant le 19 avril 1775, raconte Jefferson, je n’avais pas entendu le moindre murmure annonçant une disposition quelconque à la séparation d’avec la Grande Bretagne. » Franklin et John Adams témoignent dans le même sens, presque dans les mêmes termes.

Le gouvernement anglais était égaré par ces manifestations répétées de loyalisme ; il comptait d’ailleurs que la division se mettrait dans les rangs des coloniaux. Il avait cédé sur beaucoup de points : les récents impôts venaient d’être abolis ; l’impôt sur le thé subsistait seul, « pour le principe » ; mais on avait pris de si habiles arrangements que, même imposé, le thé revenait maintenant à meilleur marché en Amérique qu’en Angleterre. Ce subterfuge exaspéra les Bostoniens : c’est aussi « pour le principe » qu’ils luttaient. Ils jetèrent à la mer toute une cargaison de caisses de thé. Chose curieuse, un si futile incident eut plus de retentissement que les énergiques et fermes protestations des assemblées coloniales. On y répondit par d’absurdes représailles : le port de Boston fut fermé. Les Bostoniens ne souffrirent pas en vain : leur cause devint celle de toutes les colonies. Des secours

  1. Lettre de Madison du 8 janvier 1828.