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UNE GUERRE DE CENT ANS

quant les provisions de papier timbré que l’Angleterre envoyait conformément à la nouvelle loi, les Américains avaient nettement marqué leur volonté de n’y point obéir. Cette volonté, ils l’exprimèrent par la bouche de leurs représentants réunis en congrès à New-York au mois d’octobre de cette même année 1765. Le congrès rédigea une « Déclaration des droits des colonies » et une « Adresse à George iii ». La fermeté, l’énergie raisonnée et sûre d’elle-même se combinent dans ces documents avec l’expression d’un loyalisme intense autant que sincère. Il fallait qu’à Londres l’aveuglement fût complet pour qu’on ne saisit pas la portée de cette double manifestation. Mais comme l’écrivait Franklin que les colonies avaient délégué pour appuyer auprès du roi et du parlement leurs revendications, « tout le monde ici se croit le souverain de l’Amérique ; chacun s’installe sur le trône avec le roi et parle dédaigneusement de nos sujets coloniaux[1] ».

Un an après son établissement, le droit du timbre fut supprimé ; les commerçants anglais, profondément atteints par l’interdit dont ils étaient l’objet, avaient eux-mêmes pétitionné dans ce sens. Le parlement couvrit sa retraite par un pompueux énoncé de ses droits, ce dont les Américains ne se formalisèrent pas, estimant avec raison que la victoire leur restait. Malheureusement, le parti de la sagesse ne prévalut pas et bientôt de nouveaux impôts furent établis sur le thé, le verre, le papier, les couleurs. La résistance recommença. Alors le gouvernement britannique commit la faute impardonnable d’envoyer des troupes en Amérique et d’exiger des colonies qu’elles payassent pour l’entretien de ces troupes. Dès lors la guerre fut inévitable. Il était certain qu’un jour viendrait où les mousquets « partiraient tout seuls ». Les soldats anglais occupèrent Boston, y vécurent dans un perpétuel et irritant contact avec une population surexcitée envers laquelle ils faisaient montre de dédain et d’arrogance. On avait espéré lasser les Américains ; on ne faisait que rendre leur solidarité plus complète. Les assemblées coloniales, dont le parlement prononçait la dissolution, allaient tranquille-

  1. Franklin, cité à la barre de la Chambre des communes le 28 janvier 1766, y fut longuement interrogé. Son interrogatoire ainsi que la conversation de George iii avec le gouverneur du Massachusetts, Hutchinson, quelques années plus tard, constituent des documents du plus haut intérêt en ce qu’ils nous font connaître l’état d’esprit des chefs du mouvement américain et celui de la cour et du gouvernement britanniques à ce moment décisif de leur histoire.