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L’IMPÔT GLOBAL DANS L’ANTIQUITÉ

perçu. La déclaration du contribuable était nécessaire dans les sociétés antiques plus que dans les nôtres. En effet, si le contrôle était très aisé en ce qui concerne les biens fonciers (en Grèce les dèmes ou chefs des districts ruraux s’en acquittaient), il était au contraire rendu très difficile en ce qui concerne les biens mobiliers par la pratique générale du contrat sous-seing privé et par l’absence de publicité pour les hypothèques. Il est vrai que la législation avait institué pour venir en aide aux agents du fisc la dangereuse pratique — dangereuse pour le sens moral qu’elle avilit — de la dénonciation avec part de l’amende revenant au dénonciateur. Il est vrai encore que les tribunaux étaient aux mains de la petite bourgeoisie gênée, envieuse et acariâtre, toujours prête à donner raison à l’État contre le particulier riche. Néanmoins il ne devait pas être très difficile à ce dernier de frauder tant sur ses biens meubles que sur les résultats de ses opérations commerciales et financières. Mais lui même s’en abstenait le plus souvent par suite d’un curieux état d’esprit propre aux démocraties anciennes plus qu’aux nouvelles. Dans des milieux peu nombreux, en effet, aucun élément de popularité n’était plus à la portée de chacun que l’affectation de civisme et rien n’apparaissait plus civique que de faire état des impôts que l’on payait. Très rares étaient les citoyens qui ne se souciaient point d’acquérir de la popularité. Ceux-là évidemment avaient de grandes facilités pour frauder. Les autres mettaient leur gloriole à s’en abstenir ou du moins à le faire croire.

On admettait alors que toute fortune privée contenait une part dont la société pouvait à tout moment exiger le sacrifice ; cela représentait en quelque sorte la surabondance ; on appelait cette part timema. Polybe nous apprend qu’en l’an 378, on fit l’estimation de la timema dans l’Attique laquelle se montait à 5750 talents (environ trente quatre millions de francs). Malgré cette doctrine de la timema qui n’était pas exprimée dans les lois mais admise par les mœurs du temps, l’eisphora comme nous l’avons déjà dit resta intermittente et garda le caractère d’un impôt de défense. Il est vrai d’ajouter qu’il y avait les liturgies, ces sortes d’impôts volontaires destinés surtout aux fêtes populaires et qui, en temps de paix, grevaient plus lourdement les budgets des riches que ne le faisait l’eisphora en temps de guerre. « Avoir rempli les liturgies » devint une condition expresse pour occuper les principales charges et même pour gagner un procès. Le peuple et ses séides se mon-