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UNE GUERRE DE CENT ANS

sur les transactions, que ce droit était peu élevé et existait déjà en Angleterre, qu’enfin certains avantages commerciaux, certains adoucissements aux rigueurs du système mercantile étaient accordés en manière de compensation. L’impôt n’était rien, comparé aux sacrifices sans nombre que les Américains avaient consentis et aux pertes considérables qu’ils avaient subies. Cependant la révolte que n’avaient provoquée ni les sacrifices demandés, ni les pertes imposées, éclata instantanément. Ce fut un jeune avocat qui en donna la formule devant le parlement virginien dont il faisait partie ; et ses collègues, avec quelque hésitation, votèrent sa motion, déclarant l’acte illégal et légitime le refus de s’y soumettre. Alors quelque chose d’extraordinaire se passa, un de ces changements à vue comme les machinistes en réalisent au théâtre ; tout le décor est en place sans presque que les spectateurs aient pu s’en rendre compte ; quand le coup de sifflet retentit, il suffit d’une toile qui se lève, d’un portant qui se retourne, parfois même d’un simple jeu de lumière pour que l’ensemble apparaisse brusquement et sans effort. C’est ainsi que se profila tout d’un coup la société américaine avec les traits qui la marquèrent profondément pendant le xixe siècle : l’esprit de solidarité sociale et l’esprit d’initiative individuelle étroitement unis, la tendance générale à s’associer et la géniale facilité à organiser l’effort collectif, l’influence énorme de la presse et le rôle actif et spontané de la femme dans la vie publique. Il y eut ça et là quelques émeutes. L’émigration avait déjà jeté dans les villes, New-York et Boston principalement, un certain nombre de déclassés et de coureurs d’aventures cosmopolites, toujours prêts à créer le désordre pour en profiter. Ceux-là pillèrent les maisons des fonctionnaires anglais sous prétexte de patriotisme. Mais le peuple américain se garda de les suivre ou de les approuver et s’en tint à un programme de résistance dans lequel l’enthousiasme se résolvait en mesures pratiques. Des ligues et des sociétés se créèrent de toutes parts dans le but de mettre en interdit tous les produits anglais. Les marchands envoyèrent contre-ordre pour les commandes non encore livrées et suspendirent les relations avec leurs correspondants d’Angleterre. Le plus difficile fut d’improviser une industrie nationale susceptible de remédier à ce blocus moral volontairement consenti. Les maisons particulières se transformèrent en ateliers : les femmes se mirent à tisser et à filer. À Newport (Rhode-Island), en dix-huit