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REVUE POUR LES FRANÇAIS

celui du socialisme européen, diffère de celui-ci sur plusieurs points très importants.

Tandis que les socialistes français se détachent de l’idée de patrie, ceux d’Australie y tiennent énergiquement : leur patriotisme, « intransigeant jusqu’à l’exclusivisme », est « vibrant jusqu’à la gasconnade ». Même contraste à propos de religion : ceux-là s’acharnent à en combattre toutes les formes ; ceux-ci lui témoignent simplement une respectueuse indifférence. Cléricaux et anticléricaux n’existent pas aux antipodes : « des catholiques ultras, des presbytériens ardents, des libres penseurs déclarés, des israélites pratiquants, se rencontrent dans la vie publique, se classent dans tous les partis, sans qu’il soit tenu compte de leurs opinions religieuses ». Troisième dissemblance : les socialistes australiens professent un respect profond de l’ordre légal ; on sait le peu de cas qu’en font les nôtres. Malgré la fréquence des conflits et l’âpreté des luttes, le parti ouvrier australien a toujours su garder une attitude correcte. Peut-être lui doit-il une large part de ses succès. Réserve faite des fautes commises en France par les partis conservateurs et modérés, il est juste de constater avec M. Biard d’Aunet que « chez nous aussi les mêmes aspirations eussent rencontré moins de résistance si les meneurs du mouvement n’avaient pas eu la maladresse de s’aliéner les patriotes, d’exaspérer les croyants et d’eflrayer les gens paisibles ».

Une autre différence, c’est que le socialisme australien ne se paie pas de mots et ignore les formules. Il est pratique. On a dit qu’il était « sans doctrine ». Cette expression n’est pas précisément heureuse. Un socialisme sans doctrine ne serait rien moins que du socialisme puisque le socialisme lui-même est une doctrine, et même un dogme. En vérité, « le parti socialiste, en Australie comme ailleurs, est le serviteur et l’organe d’une classe qui espère trouver la satisfaction de ses intérêts dans un nivellement égalitaire obtenu par degrés. Mais, plus sage et plus pratique qu’on ne l’est en France, il trouve inutile de s’attarder tout d’abord aux considérations philosophiques, n’en recherche pas la discussion, et, par conséquent, s’abstient d’en faire parade. Le socialisme australien n’est pas sans doctrine. On ferait mieux ressortir la différence qui le sépare du nôtre en disant qu’il est sans déclamations. »

Enfin le socialisme australien, à l’opposé du nôtre, n’en appelle pas le moins du monde au sentiment de la solidarité internatio-