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REVUE POUR LES FRANÇAIS

Cela explique, dans une certaine mesure, l’indifférence, des milieux australiens — et l’ignorance qui en découle — pour le monde étranger à l’empire britannique. Connaissant les affaires extérieures uniquement par la presse anglaise ou l’Eastern Telegraph, ils n’en sont pas toujours impartialement instruits. Ceci leur est préjudiciable. À force d’exalter leur orgueil de race en considérant la partie non-britannique du monde comme une quantité négligeable, ils en arrivent à vivre uniquement pour eux-mêmes, comme s’ils existaient seuls, et méprisent d’excellents exemples. Sous ce rapport, l’Australie est restée très britannique, l’Australien est devenu plus anglais que l’Anglais du vieux monde. « Persuadé qu’il existe seulement deux conceptions de la vie : l’anglaise, qui est bonne, et la non anglaise, qui ne l’est pas », il a voulu n’utiliser jamais que des procédés britanniques. Les splendides résultats qu’il en a obtenus pendant la première période de son établissement aux antipodes ne prouvent pas qu’elles soient excellentes. M. Biard d’Aunet nous l’explique. « La lutte contre les difficultés matérielles ne réclame qu’une énergie soutenue. Les pionniers de ce nouveau monde possédaient cette qualité, et les profits de l’exploitation d’un sol encore vierge les en ont bientôt récompensés. Mais l’organisation d’un peuple naissant, l’orientation qu’il doit prendre dans sa collaboration à l’œuvre générale de la civilisation, offrent des problèmes d’une plus vaste complexité. Peut-être a-t-on perdu de vue en Australie qu’il s’agissait d’une expérience non encore faite, puisque c’est la seule colonie de peuplement que la Grande-Bretagne a créée sous un climat très différent du sien et sans qu’aucune autre nation lui ait préparé la voie, comme le fit la France au Canada pendant environ deux siècles ». Assurément les Australiens l’ont oublié. Leur « insociabilité internationale », qui contraste d’ailleurs tout à fait avec leur affabilité privée, constitue un obstacle au progrès de leurs sociétés. Ils ne s’en rendront compte qu’à force d’expérience et par eux-mêmes, car ils détestent les avis.

Malgré leur caractère enjoué, leur humour, leur cordialité naturelle, les Australiens ne tolèrent pas la critique, même celle de leurs compatriotes d’Angleterre. Ils s’indignent dès qu’elle se manifeste sous une forme quelconque. L’auteur veut oublier ce que cette indignation « a d’excessif et d’un peu ridicule pour n’y voir que l’expression spontanée d’un sentiment qu’il est plus noble et moins dangereux d’exagérer que de perdre » et « l’ex-