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L’AUSTRALIE DE NOS JOURS

décisive en opposant à la mentalité anglaise les mentalités australiennes.

En raison même de ses divergences, la société australienne est donc infiniment plus difficile à pénétrer que la société britannique. M. Biard d’Aunet nous y entraîne, nous en présente tour à tour les différents groupes et les principaux types ; artistement campés, ceux-là nous semblent vivre sous nos yeux. En ce pays d’action fiévreuse, le commerce et la spéculation ont sans doute absorbé toute activité intellectuelle : l’aristocratie du savoir est très clairsemée ; elle renferme un certain nombre de personnages distingués mais aucun en situation éminente. « En dehors du mouvement intellectuel de l’humanité », l’Australie n’a pas d’activité scientifique propre. Ses savants se tiennent au courant mais ne cherchent pas davantage. « Elle emprunte sa science à Londres, comme elle y a emprunté ses usages, ses idées générales et le capital de sa dette ». Son public a peu de goût pour les. sciences et arts. Ses « foyers de civilisation nationale » Sydney et Melbourne ne possèdent ni Académie, ni Institut, ni École des Beaux-Art, ni École normale supérieure. L’enseignement des langues mortes est peu suivi ; l’enseignement des langues vivantes est presque nul.

Malgré les efforts de l’Alliance Française, notre langue n’y est pas répandue. Considérée comme un art d’agrément, comme une « superfluité élégante », elle est complètement négligée dans les Universités. À Melbourne seulement, la chaire de français a été confiée à un de nos compatriotes[1] qui, par son influence et son énergie personnelles, à réussi à en développer considérablement l’importance. À Sydney cet enseignement n’existait que sur les programmes au moment de notre séjour, au commencement de 1903. Nous nous souvenons d’avoir visité l’Université de cette ville en compagnie d’un distingué professeur français en mission[2] : nous avons du renoncer à parler notre langue avec le titulaire de la chaire de français, incapable de nous entendre et de se faire comprendre ! Nous avons d’autre part vainement cherché dans les Clubs australiens les journaux et périodiques français : nous n’en avons pas trouvé davantage chez les grands libraires. Ajoutez que notre langue est privilégiée entre toutes les autres, vous apprécierez la modeste influence de celles-ci.

  1. M. Maurice Carton.
  2. M. Privat-Deschanel.