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REVUE POUR LES FRANÇAIS

C’est une plaisanterie que de chercher les ancêtres des Australiens d’aujourd’hui parmi les convicts déportés en Nouvelles-Galles du sud de 1789 à 1846. Ceux-là furent peu nombreux, 30.000 peut-être, et laissèrent peu d’enfants pour cette raison majeure : les femmes étaient en nombre infime au milieu d’eux. Les vrais pères des Australiens de nos jours sont les 7 à 800.000 aventuriers immigrés dans le pays après la découverte de l’or en 1851, tous chercheurs de fortune — ce qui n’exclut pas l’honnêteté. Il va de soi que leurs petits-fils ne doivent pas avoir les mêmes idées ni les mêmes goûts que ceux des fermiers du Canada ou des puritains d’Amérique.

D’autres influences ont agi sur la société australienne. La plus énergique est celle du climat. Déterminant les produits du sol, il oblige les populations à envisager certains intérêts déterminés, à observer certains usages, à pratiquer des habitudes spéciales : il agit ainsi sur la race et la modifie. Observons donc que la distance climatologique est considérable entre l’Australie et la Grande-Bretagne. Comme l’écrit M. Biard d’Aunet, « l’Angleterre est un pays humide et froid, l’Australie un pays sec et chaud. Donc entre les habitants de ces deux pays, les différences ne pourront que s’accentuer, les ressemblances que s’atténuer. Dans la lutte entre le climat et l’atavisme, chaque génération enregistrera une défaite de celui-ci, car rien ne peut prévaloir contre la loi immuable de la nature qui tend à transformer l’individu pour l’adapter aux conditions du sol. » Ainsi s’est constituée une nation australienne, de la famille anglo-saxonne, mais parfaitement émancipée.

La société australienne a déjà perdu la caractéristique primordiale de la société d’outre-Manche : l’uniformité de jugement qui fait que nos voisins de toutes classes et de toutes conditions pensent naturellement de même à propos d’un grand nombre de questions et constituent un bloc national discipliné et respectueux des traditions. L’Australien, lui, respecte « l’ordre légal », mais se moque des traditions ; « il ne se permettra pas de porter dans la rue un objet enveloppé dans un journal, mais il entend penser comme il lui plaît et dire sa pensée quand il lui convient. Il l’exprimera, tantôt poliment, tantôt brutalement, et n’y fera guère de différence. Les mentalités australiennes sont déjà plus éloignées les unes des autres que celles des habitants de la Grande-Bretagne ne le sont entre elles ». L’auteur a prononcé ici l’expression