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REVUE POUR LES FRANÇAIS

gler complètement les Anglais sur les conséquences de la ligne de conduite qu’ils avaient adoptée. Nul, parmi eux, ne s’imaginait que les plantations anglaises de l’Amérique du Nord, comme ils s’obstinaient à les appeler, pussent jamais prétendre à vivre d’une vie nationale indépendante. Tous ceux qui visitèrent ces plantations, le Suédois Peter Kalm en 1748, Turgot en 1750, prédirent les événements de la fin du siècle ; les Anglais seuls n’en soupçonnèrent jamais l’éventualité menaçante.

Et pourtant ce ne fut pas sur une question commerciale que la crise éclata. De même que la colonisation avait commencé au nom d’une idée, ce fut au nom d’un principe que la résistance se forma. Ce principe est en quelque sorte la pierre angulaire de la liberté des peuples et ce sera l’éternel honneur des Américains de s’en être proclamés les défenseurs jusqu’à la mort. Il faisait partie, d’ailleurs, du patrimoine politique de l’Angleterre et l’on peut avancer, sans crainte de paradoxe, qu’en cette circonstance ce furent les Américains qui défendirent contre les Anglais mêmes leurs traditions les plus sacrées. Pour qu’un impôt soit légitime, dirent-ils, il faut que les représentants librement élus de ceux sur lesquels il pèse l’aient librement voté. Point d’impôt sans un vote ; point d’imposables sans représentants élus. Il coula beaucoup d’encre sur cette question. Les libéraux anglais sentaient bien où le bât les blessait. Ils ne pouvaient dénier aux Américains les droits imprescriptibles de sujets britanniques mais ils tentèrent d’établir que chaque membre des communes représentait non point seulement le groupe de ses électeurs mais tout l’empire, et qu’il avait la charge des intérêts de la communauté en général.

L’affaire des writs of assistance ou mandats de perquisition avait déjà attenté au grand principe de l’inviolabilité du domicile. Comme la contrebande était organisée sur une vaste échelle, le gouvernement anglais s’était résolu non seulement à renforcer la surveillance douanière mais encore à découvrir les dépôts de marchandises prohibées et, pour cela, à forcer la porte des maisons particulières. On avait résisté aux perquisitions. Quand arriva, en Amérique, la nouvelle que le Stamp act venait d’être voté par le parlement, elle y souleva une tempête à laquelle Georges iii et ses ministres ne s’attendaient pas. On ne saurait trop insister sur ce fait qu’il s’agissait d’un simple droit de timbre