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LE COQ ET L’HABIT



Ceci n’est point une fable.

Ésope, La Fontaine ou Florian n’ont rien à y voir.

C’est le simple énoncé d’une double protestation inspirée par le maniement de nos pièces de vingt francs et par le récit des voyages officiels accomplis par le chef de l’État.

Les monnaies actuelles, finement ciselées par Chaplain, portent au revers l’effigie d’un coq ventripotent à la crête audacieuse, aux plumes ébouriflantes, l’air important et rageur. Interrogez le premier venu sur la raison d’être de cette image : il vous répondra que c’est là le « coq gaulois ». Ils seraient bien indignés, nos grands ancêtres, de savoir que l’animal vulgaire et prétentieux est ainsi devenu, rétrospectivement, l’emblème de leur race. Son nom n’était jadis qu’un calembourg injurieux jeté par le dédain du vainqueur à la face du vaincu. Le même mot servait, en latin, à désigner la bête et l’homme : coq et Gaulois se disaient de même ; source de plaisanteries faciles dont sans doute, en Gaule, plus d’un cœur saigna.

Et voilà que, l’ignorance aidant, quelque révolutionnaire en quête d’un emblème apte à remplacer la fleur de lys abhorrée, inventa le « coq gaulois ». La vogue en fut mince et fugitive. Pourtant lorsqu’après 1830, Louis-Philippe se résigna à gratter docilement ses propres armoiries sur les panneaux de ses carrosses afin de satisfaire aux exigences de la foule parisienne, on alla chercher le coq gaulois dans les archives de la Révolution ; cette fois encore, son apparition fut brève ; l’animal retomba dans l’oubli. Jamais d’ailleurs on ne lui avait fait l’honneur de le graver sur les monnaies.

Quel est donc l’imbécile à qui l’aurore du vingtième siècle inspira une idée aussi saugrenue ? Ne connaîtrons-nous point son nom pour le clouer au pilori de l’opinion ? En attendant, les louis de la République s’en vont promener à travers le monde cette image humiliante et grotesque et la France prend plaisir à s’incarner dans l’animal qui rassemble tous les défauts que ses pires