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REVUE POUR LES FRANÇAIS

lèbre gouverneur anglais Warren Hastings, rétablirent quelque peu la fortune de nos rivaux. Sir Eyre Coote remporta une victoire à Porto-Novo (1781). Ce ne fut qu’à la fin de cette année-là que le bailli de Suffren partit de Brest à destination de l’Inde. Après avoir rallié l’escadre française, Suffren livra le 17 février 1782 son premier combat devant Trincomali. Peu après, les Franco-hindous d’Haïder-Ali s’emparant de Goudalour lui fournirent un port de ravitaillement sur la côte de Coromandel. Les Anglais avaient reçu des renforts mais le gouvernement de Louis XVI se décida à son tour à l’envoi d’un corps de débarquement. Le 3 juillet, Suffren livra une nouvelle bataille devant Negapatam et deux mois plus tard s’empara de Trincomali. La situation des Anglais devenait très grave lorsque, le 7 décembre 1782, Haïder-Ali mourut. Son fils Tippo Sahib, fut aussitôt proclamé. Une nouvelle victoire de Suffren à Goudalour permit le débarquement des Français ; le choc décisif approchait et tout annonçait que les Anglais seraient irrémédiablement vaincus quand la nouvelle de la paix de Versailles obligea à suspendre les hostilités. Le protectorat de l’Inde nous échappait. C’est à cette date qu’il faut la considérer comme définitivement soustraite à l’action française.

Et pourtant seize ans plus tard, Bonaparte ne formait-il pas le projet de s’entendre, une fois maître de l’Égypte, avec Tippo-Sahib ? Notons que c’était l’époque où trois aventuriers français s’étaient acquis auprès des princes indigènes des situations extraordinaires ; Boigne, généralissime des armées de Sindhia et véritable vice-roi du pays Mahratte ; Perron, vainqueur de l’empereur Shah-Allam et maître de ses États ; Raymond, enfin, tout puissant à Haïderabad, avaient, en somme, admirablement préparé le pays à l’action de Bonaparte ; ils avaient constitué de véritables « États français indépendants », selon l’expression de Wellesley. Les efforts convergents de ces hommes eussent pu déterminer un mouvement très puissant, capable d’abattre la domination britannique. Il n’en allait plus de même trente-cinq ans plus tard quand le capitaine Allard, ancien aide de camp du maréchal Brune, parvint à implanter son pouvoir à la cour du roi de Lahore comme généralissime et premier ministre. En 1836, Allard eut à sa disposition 40.000 hommes bien disciplinés. Mais Tippo-Saïb n’était plus là, non plus que Boigne, Perron et Raymond ; et l’Inde anglaise s’était fortifiée au point de ne plus craindre les rivalités européennes.