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LA FRANCE AUX INDES APRÈS DUPLEIX

planter son maître et groupant autour de lui toutes les forces vives et les ambitions déçues de l’heure présente, il avait jeté les baess d’un État nouveau qui s’agrandit rapidement. Dès 1767, Haïder Ali se sentit assez fort pour menacer Madras. À cette époque la situation des Anglais était peu satisfaisante. Bloqués à Bombay par les Mahrattes ils ne possédaient même pas la totalité de l’îlot sur lequel s’élevait la ville. Sur la côte de Coromandel, ils dépendaient de la fidélité des rajahs dont une victoire d’Haïder Ali aurait suffi à provoquer la défection. Leur établissement du Bengale, le plus important des trois, avait traversé récemment toutes sortes de vicissitudes. En 1756, le successeur d’un lieutenant d’Aureng Zeb, qui après la mort de ce souverain s’était taillé un royaume avec les provinces d’Orissa et du Bengale s’était emparé de Calcutta. Clive avait repris la ville et était parvenu à établir son protectorat sur les régions voisines ; plus tard les Anglais avaient battu les troupes de l’empereur mogol. Mais les affaires de la Compagnie britannique n’étaient pas brillantes ; les directeurs étaient sans cesse en dispute avec leurs agents ; des intrigues semblables à celles qui avaient perdu Dupleix s’ourdissaient contre eux à Londres. Une terrible famine, celle de 1770, acheva de faire le vide dans les caisses en même temps que le mécontentement des indigènes s’accrut.

L’influence française vivait toujours dans l’Inde. On y gardait de la domination de Dupleix un souvenir où aucune rancune ne venait se mêler à l’admiration. Beaucoup de Français étaient entrés au service des rajahs dont ils commandaient maintenant les armées. On savait d’ailleurs qu’après les humiliations de 1763 la France s’était relevée, que sa flotte réorganisée par Choiseul avait acquis une réelle valeur et que, dans la lutte entamée par les colonies d’Amérique contre l’Angleterre, il était bien possible qu’on la vit bientôt prendre parti pour les révoltés. Dès que la guerre eut en effet éclaté entre la France et l’Angleterre, Haïder-Ali prit l’offensive. Un traité qu’il conclut avec le Nizam et les Mahrattes dressa contre la domination britannique aux abois les deux tiers de l’Inde. Les Anglais essuyèrent le 9 septembre 1779 à Conjeveram une défaite sans précédent. Un corps français, débris des anciens jours, y participa. Par malheur, l’inaction du cabinet de Versailles qui laissait l’escadre française de l’Océan Indien aux mains d’un amiral incapable et, d’autre part, l’énergie extraordinaire jointe à la complète absence de scrupule du cé-