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et ces perfectionnements, se maintiennent indélébiles les caractéristiques fondamentales de l’art arabe : le plan initial dû au hasard et cristallisé par la tradition, l’abondance des arcs héritage du préceptorat copte, enfin l’ornementation mathématique issue de la cour de Bagdad.

Nous parlions tout à l’heure du faste extraordinaire auquel ces thèmes servirent de cadre. Il atteignit bien souvent à la puérilité. L’histoire nous a gardé une description du palais de Khomarouyah bâti par le sultan Touloun et au centre duquel se trouvait un bassin de cinquante coudées entouré d’une colonnade dont les chapiteaux étaient d’argent massif. En guise d’eau le bassin contenait du mercure. Touloun aimait à s’y promener sur un vaste coussin gonflé d’air que des anneaux d’argent et des cordes de soie fixaient au rivage. Assurément les princes capables de réaliser de pareilles élucubrations n’étaient point des artistes. On retrouve quelque chose de cela aujourd’hui par exemple en Tunisie où les héritiers des grandes familles ont souvent dévoré leurs patrimoines et contracté de lourdes dettes en satisfaisant des caprices d’un genre non moins extravagant.

Il va sans dire que les arts somptuaires se sont développés parallèlement à l’architecture et à la décoration des monuments. La verrerie, la tapisserie, la mosaïque, la faïence, la boiserie ont été mises à contribution pour embellir la mosquée, le palais ou l’habitation privée. À part certaines exceptions qui témoignent de la fantaisie ou de la liberté d’esprit d’un artiste occasionnel, ce qui domine c’est l’arabesque, le dessin mathématique. Faïences, mosaïques, boiseries reproduisent l’entrelacement des figures géométriques qui, du petit au grand, restent ainsi le dernier mot, l’expression suprême de l’art arabe. La damasquinerie venue probablement de Perse servit surtout à décorer les armes dont l’arabe était si friand. D’aucun objet usuel il n’eut à un tel degré la coquetterie. Les belles armes le ravissaient. Les ouvriers damasquineurs lui en livrèrent de propres à satisfaire le goût le plus exigent.

L’art arabe fut tué par la conquête turque. Sur la fin il se fit mélancolique et gracile. « La sveltesse des lignes, écrit M. Gayet, se raffine, les pleins s’évident, le monument n’est plus qu’un filigrane immense, une châsse gigantesque, ciselée, émaillée, dorée comme un colossal bijou. Mais l’efforescence de ses arabesques s’étiole derrière les vitraux de ses verrières comme en une