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forme humaine. Les anatomistes grecs avaient trop froissé son sentiment ; ils s’étaient trop complu à lui montrer des paquets de chair là où, selon lui, devait vibrer une croyance ; et à la froisser ainsi, ils avaient fini par le lasser pour toujours ». La première, l’école d’Alexandrie avait cherché « dans un art rythmique l’expression de ses extases ». Elle s’était tournée vers les motifs fleuris, les losanges et les carrés embellis d’ornements. Quand l’église copte au Concile de Chalcédoine avait rompu avec l’église grecque, elle avait à son tour marqué énergiquement sa répudiation des conceptions décoratives byzantines. Bien curieuse la déformation successive des animaux, puis des végétaux eux-mêmes qui s’opéra autour d’elle ; toute trace de réalité disparut peu à peu ; à présent, l’arabesque pouvait venir.

La puissance arabe allait, cent vingt ans après Mahomet (622-769), toucher à son apogée. De Bagdad où s’installaient les Abassides, elle s’étendit à travers l’Afrique septentrionale jusqu’au Maroc et à l’Espagne. Elle traîna après elle un goût singulier que le monde n’avait pas encore connu, qu’il a passablement délaissé et qu’on pourrait dénommer : le goût de la représentation mathématique. Ce fut le triomphe de la géométrie. Elle fut partout : géométrie plane courant en frise ou se plaquant en médaillons sur les murailles ; géométrie descriptive fixant les formes, les décomposant, les associant en une symétrie sans fin. Certains Arabophiles attribuent ce phénomène au désir d’exprimer quelque chose d’incréé, d’immatériel ; ils voient dans cet entre-croisement régulier une prière, un élan vers l’infini ; ils arrivent même à y reconnaître des leit-motiv tout comme dans la musique de Wagner. Ils considèrent « l’image dérivée de l’assemblage du carré et de l’octogone » comme « éveillant l’idée de l’immuabilité éternelle », tandis que celle qui a pour base l’heptagone éveille l’idée d’un « mystère vague et inquiet ». C’est chercher bien loin — et chercher surtout dans une ligne qui semble bien étrangère à la mentalité arabe — une explication que fournissent plus simplement des faits précis.

La cour de Bagdad, comme on le sait, fut à la fois luxueuse à l’excès et délibérément scientifique. Les mathématiques y furent plus en honneur qu’elles ne l’avaient jamais été en aucun temps et en aucun pays. L’algèbre y régna sans conteste. Mais cette culture conserva, si l’on peut ainsi dire, des aspects inutilitaires ; elle fut formaliste et sans but. Les théorèmes de géomé-