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L’ART ARABE

L’ART ARABE



Personne n’imagine que Mahomet ait eu la pensée même lointaine d’une efflorescence artistique. Si peu que l’on sache de la vie et des idées du prophète, on sait pourtant que les questions d’art le laissaient profondément indifférent.

Si la Kaabah de la Mecque fut par ses soins rebâtie, à la suite d’un incendie qui l’avait détruite, c’est que cet édifice sacré abritait la fameuse pierre noire apportée jadis à Abraham par l’ange Gabriel et placée par le patriarche au centre de son temple. Une semblable légende avait par elle-même trop de puissance pour que Mahomet s’abstint de l’exploiter. Il s’employa donc et ses fidèles avec lui à élever une nouvelle Kaabah plus vaste et plus belle que l’ancienne ; mais il le fit avec les matériaux qui s’offrirent et en utilisant même les talents d’un architecte copte. Aucune préoccupation ne se révéla dans le choix et l’arrangement des détails de l’édifice autres que celles inspirées par le souci des traditions. Il en fut de même partout où, à ses débuts, s’étendit l’Islam. Toute église chrétienne, tout temple païen pouvaient être convertis en mosquées ; il suffisait d’en effacer les signes extérieurs de l’ancienne religion et de s’y placer pour prier dans la position réglementaire, orienté vers les lieux saints. À une pensée et à une philosophie ainsi simplifiées qu’était-il besoin de formules artistiques ? Les Arabes n’en éprouvaient nullement la nécessité et ne cherchaient point à rien créer dans ce sens ni même à imiter ce que d’autres peuples avaient fait avant eux.

Il est probable que leur incapacité native à éprouver des jouissances artistiques aidant, ils n’eussent guère progressé à cet égard si par ostentation, sentiment auquel ils étaient très enclins, ils n’avaient bientôt voulu donner de leur force et de leur richesse une grande idée — et c’est toujours le mouvement qui traduit une pareille ambition sitôt qu’elle naît quelque part. L’extension de l’Islam, on ne doit pas l’oublier, fut extraordinairement rapide et dut tenir du prodige aux yeux des contemporains. Aujourd’hui les causes en sont plus aisément définissables. Nous savons que le triomphe mahométan fut fait pour une très large part de l’effrite-