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REVUE POUR LES FRANÇAIS

est un bienfait déguisé car elle est le principe de son progrès. Supposez un instant que cette lutte n’ait pas eu lieu, le monde serait encore un désert peuplé de sauvages primitifs. L’abolition de toute guerre serait un inconvénient grave pour l’humanité. Elle aurait pour résultat la survivance, non du plus apte et du plus fort, mais celle du plus paresseux et du moins apte, c’est-à-dire la dégénérescence de l’espèce humaine. Tant que notre nature sera ce qu’elle est, tant que l’égoïsme sera le mobile des actions publiques et particulières, les États ambitieux et puissants chercheront à s’emparer de ce que possèdent ceux qui sont riches et faibles. Ainsi, d’une façon permanente, la nature rajeunit le monde, fait aux États une obligation de progresser en civilisation et en force. Ceux qui prétendent se soustraire à cette loi supérieure de l’histoire, disparaissent. Tous les États et tous les empires sont fondés sur la force, on peut même dire qu’ils sont la force elle-même. Car la force est le seul titre valable qui permette à une nation de conserver ce qu’elle possède. Donc, l’avenir des nations dépend de leur aptitude à soutenir la lutte universelle pour l’existence, tant que cette lutte ne sera pas abrogée, ce qui, au dire du prophète lui-même, ne se produira qu’aux derniers jours du monde.

Telles sont les idées qu’exprime avec énergie M. Barker ; il est évidemment de ceux qui considèrent que les théories du pacifisme, sous couleur d’humanité et d’intellectualisme, tendent à détruire par principe les forces vives des nations en faisant précisément appel à l’élément trop nombreux des moins aptes et des moins forts. Il voit dans les pacifistes des apôtres du relâchement sous toutes les formes, des partisans chaleureux du moindre devoir et il leur rappelle qu’à part certaines guerres de magnificence, c’est en général pour satisfaire des besoins économiques que les hommes se sont toujours battus, pour des épices et pour des harengs. Or, loin de diminuer, ces besoins s’exaspèrent avec l’accroissement perpétuel de la race humaine. La conclusion est facile à tirer pour quiconque n’est pas aveugle ou ne veut pas l’être.

Mais suivons le développement de M. Barker. Les Phéniciens et les Hollandais, dit-il, pour avoir négligé d’entretenir suffisamment leurs forces, ont perdu leur empire. Ne peut-il en être de même pour l’empire britannique dont les éléments épars et nombreux sont mal joints ?