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CE QUI SE PASSE DANS LE MONDE

prendre vis-à-vis du mouvement nationaliste égyptien ; il l’abordait toutefois — comme il proposait de la résoudre — c’est-à-dire de biais. Au lieu de discuter en la désapprouvant, l’idée d’un parlement autonome, il offrait de constituer un conseil législatif composé de telle façon que les tendances nationalistes y fussent représentées assez largement, mais tenues en échec par les éléments d’ordre. Ce Conseil aurait compris quatre fonctionnaires égyptiens, un juge européen de la Cour d’appel indigène, six juges des cours mixtes, vingt membres élus et cinq membres non fonctionnaires désignés par le gouvernement Khédivial.

Ce plan ingénieux sera sans doute exécuté tant il comporte d’avantages et pour l’Angleterre et pour l’Égypte. Mais ce n’est pas lord Cromer qui en sera chargé. Après un proconsulat de plus de vingt ans, on l’a discrètement invité à demander sa retraite pour raison de santé et on lui a donné comme successeur Sir Eldon Gorst. Ceci apparaît comme une sorte de victoire personnelle du Khédive. Autant lord Cromer s’était rendu antipathique au prince, autant Sir Eldon Gorst lui est sympathique. Or ce sont là questions de nuances, de formes et de tempérament. Au fond, il faut bien reconnaître que le nouveau Haut commissaire anglais ne saurait faire plus pour l’Égypte que n’a fait l’ancien car l’œuvre de celui ci apparaît, vue d’ensemble, simplement admirable. Les finances restaurées, une police vigilante, une justice impartiale, la construction du barrage d’Assouan et du réservoir d’Assiout dont on peut dire qu’ils transforment l’avenir économique du pays, l’abaissement des taxes, la suppression de la corvée des droits d’octroi et des droits de navigation, la réduction des tarifs de transports et l’augmentation du réseau des routes et voies ferrées, la vente aux fellahs de terrains domaniaux, le développement du crédit agricole, le doublement de la production indigène, l’élévation de douze millions de livres subie en dix ans par les exportation, voilà le bilan des travaux de lord Cromer. Il est infiniment respectable. Le revers de la médaille, c’est la manière non pas cruelle mais autocratique dont ces progrès furent réalisés, avec la volonté formelle de concentrer entre les seules mains anglaises le pouvoir et l’administration et de réduire le souverain, ses conseillers et ses représentants, au rang de fantoches ridicules. Lord Cromer alla trop loin dans cette voie, trop loin surtout pour un cabinet libéral qui, venant de distribuer des faveurs plus ou moins autonomes au Transvaal, à l’Irlande, à l’Inde même, ne pouvait en Égypte adop-