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quent de toutes les intelligences. Il est enfin très curieux de voir de quelle façon s’exercera en cette querelle l’intervention des « jaunes ». Il y a en tous lieux des « rouges » et des « jaunes» ; ils portent d’autres noms mais cela n’importe. Les ouvriers anti-révolutionnaires, en général silencieux et très nombreux, ne pourront tarder à dire leur mot dans une affaire qui touche si complètement leurs intérêts primordiaux.

Grèves italiennes et désordres roumains.

La France ne connaît pas encore une spécialité de la gréviculture dont l’Italie vient de fournir un curieux spécimen. Huit mille paysans de la région environnant la petite ville d’Argenta ont cessé le travail sans désordre d’ailleurs et non sans motifs. Une entente intervenue l’an passé entre travailleurs et propriétaires avait notablement amélioré la situation des premiers. Les contrats de métayage qui sont habituels en ce pays avaient revêtu des formes nouvelles très avantageuses pour eux : si avantageuses même qu’à l’usage, les propriétaires se repentant d’avoir trop cédé préférèrent dénoncer en grand nombre lesdits contrats. C’était leur droit absolu mais ce n’était peut-être pas très équitable quand même. Ainsi éclata cette grève qui s’étend sur 7.000 hectares environ et va causer au bas mot pour plus d’un million de francs de pertes. Les résistances de part et d’autre sont fortement organisées. D’un côté, les grévistes dont l’association siège en permanence dans une ancienne église désaffectée et qui est parvenue à réunir une vingtaine de mille francs de secours, lesquels permettent la distribution quotidienne des vivres indispensables ; huit cents enfants d’ailleurs ont été soustraits à la misère quand même menaçante par la générosité des villes voisines ; ils sont hospitalisés dans des familles ouvrières à Bologne, à Forli, à Imola, etc… D’un autre côté se dresse la ligue de défense constituée par les propriétaires ; ceux-là sont quatre cents et le fonds de réserve qu’ils ont formé s’alimente par le versement d’un franc par hectare. Une circonstance très caractéristique s’ajoute aux nouveautés de cette situation. En vertu d’un vieux privilège datant du xve siècle, l’archevêque de Ravenne donnait tous les vingt neuf ans aux propriétaires une investiture fictive de leurs terres dont il était censé être le possesseur primordial. En échange, il recevait d’eux une subvention annuelle. Cette subven-