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LE PANGERMANISME

Ajoutez à cela qu’en dépit du grand nombre de catholiques que contient l’Empire actuel d’Allemagne, il n’en est pas moins vrai que cet empire a tous les caractères d’un État essentiellement protestant. Or, les Allemands d’Autriche sont des catholiques très-attachés à leurs croyances. Et les protestants aussi bien que les libéraux d’Allemagne sont si opposés à un accroissement d’influence des catholiques dans l’Empire que les pangermanistes autrichiens s’efforcent de modifier le caractère catholique des Allemands d’Autriche. Le mouvement connu sous le nom de Los von Rom, « la séparation d’avec Rome » n’a pas d’autre origine.

D’autre part, on a considéré non sans raison que l’existence de la monarchie austro-hongroise était une nécessité européenne et des panslavistes aussi convaincus que Palacky et Rieger ont même déclaré que si l’Autriche n’existait pas, il faudrait la créer. Le démembrement de ce pays constituerait donc une calamité européenne et ce démembrement fait partie du programme pangermaniste. L’Allemagne courrait de ce fait un danger considérable auquel ses maîtres ne l’exposeront pas, celui d’une coalition formidable des puissances européennes contre l’Allemagne agrandie. Il y a donc ici antagonisme profond entre la real Politik l’empire d’Allemagne et le Pangermanisme. Mais voilà qui va creuser le fossé plus profondément encore.

Comme allié de l’Empereur d’Autriche, l’Empereur d’Allemagne peut compter sur la coopération des régiments bohémiens, moraviens, polonais, ruthéniens, transylvaniens, magyars, slovaques, serbes et croates qui font partie de l’armée austro-hongroise. Que les vues des pangermanistes se réalisent et ces armées se tourneront probablement contre l’Allemagne.

D’autre part, l’Allemagne profite indirectement de l’influence économique et politique de son alliée dans les Balkans, influence dont la priverait la réalisation du rêve pangermaniste.

Les hommes d’État de l’Allemagne ne peuvent non plus songer à une annexion d’Amsterdam et de Rotterdam. Les Hollandais n’ont pas le moindre désir de s’amalgamer avec les Allemands et une guerre pour les réduire déterminerait une coalition européenne, dirigée par l’Angleterre, qu’aucun homme d’État allemand n’affronterait d’un cœur léger. Sans compter qu’en matière économique, les Hollandais et les Allemands ont des idées totalement différentes, ceux-ci protectionnistes, ceux-là libres-échangistes.