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que ; en un certain sens même, l’Empire allemand fut une création anti-pangermanique car il avait pour condition préliminaire d’exclure l’Autriche de l’Union. Mais le développement prodigieux de l’Empire d’Allemagne depuis 1870, son influence croissante dans le monde, son incontestable puissance militaire ont fait naître dans l’esprit de l’Allemand le plus obscur, le désir d’enfermer dans les limites de l’Empire les Allemands de l’extérieur et ceux-ci à leur tour, fiers de sa force, fatigués d’une lutte incessante contre des races non-germaniques, ont pensé à être incorporés dans le sein du vaste empire.

Le parti pangermaniste modéré se borne à réclamer l’annexion des provinces allemandes d’Autriche ; le parti avancé voudrait acquérir la Bohême, la Moravie, la Corinthie et la Hollande : le parti extrême, qui croit que le Drang nach Osten est une mission confiée par la Providence aux Allemands, rêve l’annexion de la Hongrie et de la péninsule des Balkans avec les ports d’Amsterdam et de Rotterdam au nord, ceux de Trieste et de Salonique au sud.

Voilà le côté idéal du Pangermanisme. Examinons maintenant son côté pratique. Ceci nous amène à répondre à la deuxième question posée au début de cet article : le Pangermanisme constitue-t-il un danger sérieux pour les autres nations ?

Il n’est pas douteux qu’au fond de leur cœur l’Empereur, les Princes et les Ducs, les Ministres et les hommes politiques ne soient des pangermanistes, mais en tant que conducteurs de l’Empire et responsables comme tels de la marche du pays, ils laissent l’idéal pangermanisme hors de la sphère de la « real Politik ». Cette attitude s’explique par bien des raisons.

Notez d’abord la différence considérable entre la mentalité allemande du Nord et celle d’un Allemand du Sud. L’Empire actuel est l’œuvre des Allemands de Prusse et porte l’empreinte politique des Allemands du Nord. Ceux ci, et Berlin en particulier, ont donc un intérêt puissant au maintien de cet état de choses. Or, l’incorporation des Allemands d’Autriche dont le type, politiquement et moralement, se rapproche beaucoup de celui des Allemands du Sud, modifierait d’une manière très-sensible le caractère politique de l’Empire.