Page:Revue pour les français, T2, 1907.djvu/203

Cette page n’a pas encore été corrigée
631
UNE ÉPOPÉE MYSTIQUE

et de vergers. Plusieurs tissaient. Leur vie était austère. Dans le mariage même ils n’apportaient d’autre désir que celui d’une postérité sainte qui put préparer les voies de l’avènement du Messie. À certaines époques ils chassaient dans le désert des agneaux sur lesquels ils avaient prononcé certaines paroles comme pour les charger de leurs péchés. Dans les parois des grottes du Mont Horeb étaient des enfoncements grillés où ils conservaient des ossements de saints personnages enveloppés dans de la soie. Ils allumaient des lampes et faisaient des prières devant les restes vénérés. » De cette secte pieuse était issue Anne. Rien de poétique comme la narration rapide de son enfance, de son mariage avec Joachim qui n’était « ni beau, ni riche, petit, trapu et maigre, mais homme d’une grande sainteté » et des années tristes vécues par eux, jusqu’à la naissance de Marie. Tout ce qui a trait à celle-ci est peint avec une délicatesse de toucher et une grâce de coloris d’autant plus remarquables que ces qualités ne se doublent point du tout de l’espèce d’enfantine naïveté des primitifs italiens. À tout instant transparaît le réalisme le plus inattendu. Ces figures sont celles de saintes gens assurément et que paraît inspirer le plus ardent désir de la réalisation des prophéties relatives à la venue du Messie. Mais ce sont des êtres de chair et d’os aussi humains que n’importe lequel d’entre nous ; il n’ont rien de fictif ni d’arrangé. On les voit aller et venir au sein de la réalité parfaite. L’incident du scandale arrivé dans la maison de Joachim et d’Anne avant la naissance de Marie et plus tard au temps où celle-ci devait quitter le temple, la scène du rassemblement des prétendants à sa main comptait à cet égard parmi les plus symptomatiques.

C’est du troisième volume qu’à l’occasion des fêtes récentes de Pâques, nous extrayons quelques passages aptes à compléter l’idée que le lecteur peut se faire des beautés de l’« épopée mystique. » Voici d’abord un fragment de l’agonie au jardin des oliviers : « Devant l’âme de Jésus parut le triste spectacle de l’ingratitude des hommes ainsi que toutes les souffrances de ses apôtres, de ses disciples et de ses amis. Il vit l’Église d’abord, si peu nombreuse puis, dès qu’elle se fut accrue, envahie par les schismes et les hérésies. Il vit la tiédeur, la perversité, la malice d’un nombre infini de chrétiens, les mensonges et les vaines subtilités des docteurs orgueilleux, les exécrables sacrilèges des mauvais prê-