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REVUE POUR LES FRANÇAIS

l’extraordinaire beauté littéraire de cette épopée qui a été fort bien traduite de l’allemand et ingénieusement divisée en courts chapitres. Peut-être les auteurs de la dernière édition française publiée chez Broy et Retaux à Paris n’ont-ils pas été aussi heureusement inspirés dans les coupures qu’ils ont exécutées ça et là. Trop préoccupés de faire œuvre purement religieuse, ils ont élagué nombre de passages qualifiés par eux de « hors-d’œuvres » et qui n’étaient pas parmi les moins intéressants. Il y a à dire pour leur défense que l’épopée remplit encore, telle quelle, trois volumes de cinq cents pages, ce qui est assurément considérable. Mais ces volumes dictés par une paysanne se recommandent par une telle variété dans les descriptions, quelque chose de si animé et de si proche dans l’énumération des détails et avec cela tant d’ampleur et de beauté biblique dans les vues d’ensemble que la lecture n’en est pas un instant fastidieuse.

Elle englobe la vie de Joachim et d’Anne, la vie de la vierge Marie, celle du Christ, la passion et l’établissement de l’église chrétienne. L’épopée débute par une « vision d’Élie » dont voici les premières lignes : « La terre promise, privée d’eau, était toute desséchée et je vis Élie : accompagné de deux serviteurs il montait au Carmel pour demander de la pluie à Dieu. Ils gravirent d’abord une pente escarpée ; puis, par des degrés grossièrement taillés dans le roc, ils arrivèrent à un plateau ; au milieu s’élevait un rocher nu et dans le rocher il y avait une grotte. Laissant là ses serviteurs, Élie monta seul jusqu’au sommet de la montagne, après leur avoir ordonné d’observer la mer de Galilée. Elle était horrible à voir ; l’eau avait entièrement disparu ; il ne restait qu’un fond de vase, plein de gouffres et de fondrières, couverts d’animaux putréfiés. Avec le dessèchement de la terre, je vis aussi la stérilité dans l’espèce humaine et surtout les races élevées, frappées d’une sorte d’appauvrissement et de dégénérescence ». Dès ce début s’affirme le style si caractéristique de Catherine Emmerich, ces grands aperçus d’horizons coupés d’une brève évocation philosophique. Suivent des tableaux de la Vie des Esseniens « descendant des prêtres qui avaient porté l’arche d’alliance ». « Ils n’exerçaient aucun commerce et se bornaient à échanger les produits de leurs champs contre des objets nécessaires à la vie. Ils élevaient des troupeaux, s’occupaient d’agriculture. On voyait sur le mont Horeb, à côté de leurs cabanes, un nombre considérable de jardins