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REVUE POUR LES FRANÇAIS

UNE ÉPOPÉE MYSTIQUE



Pour un peu oublié qu’il soit, le cas de la sœur Anne-Catherine Emmerich ne laisse pas que d’attirer encore l’attention de maints spécialistes des phénomènes psychiques. Anne-Catherine Emmerich naquit au hameau de Flamske près Cœsfeld en Westphalie le 8 septembre 1774 et mourut en 1823. Sa famille était pauvre ; elle manifesta dès sa tendre enfance une piété très grande mais aucune incohérence mentale. Son intelligence était extrême et bien vite l’instituteur du village dut la renvoyer à ses parents n’ayant, disait-il, « plus rien à lui apprendre ». Le pauvre homme évidemment ne possédait pas lui-même un très lourd bagage scientifique mais une semblable élève eut dérouté plus fort que lui. Toute enfant Catherine Emmerich racontait l’évangile à ses compagnes de jeu et celles-ci demeuraient suspendues à ses lèvres. L’évangile servait à la petite narratrice de « thème à visions » si l’on peut ainsi dire. Elle y ajoutait une multitude de détails qui le rendaient vivant et en rapprochaient les scènes comme, en un gigantesque télescope, la surface des astres les moins lointains se rapproche des regards humains. Rien d’exalté ou d’inégal. La voix décrivait indéfiniment, câline et sereine, des faits, des êtres, des paysages dont la succession logique se reflétait dans l’esprit de Catherine avec une grâce et une vérité surprenantes. Non seulement ce don ne l’ennivrait pas, mais elle tarda à s’apercevoir qu’il fut exceptionnel. « Où as-tu pris tout cela ? » lui demanda son père un jour qu’assise sur ses genoux elle lui répétait, selon son désir, quelques-uns de ses contes merveilleux. « Je le vois », répondit-elle simplement.

Et en effet, elle voyait. Toute sa vie tient dans ce mot unique. Elle fut une voyante de l’espèce la plus rare. Elle ne prophétisa pas, elle ne raisonna pas, elle ne prêcha pas. Elle raconta. Et dans les trois volumes qui relatent ses visions on chercherait en vain une contradiction ou une lacune. Sans doute, lorsque par la suite, elle fut entrée en religion, son état physiologique devint des plus singuliers. Ses souffrances reproduisaient celles de la passion du Christ. Elle eut comme les stigmatisées, des plaies permanentes