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REVUE POUR LES FRANÇAIS

l’hellénisme vit toujours et une période de conquêtes pourrait bien se rouvrir pour lui dans l’avenir. Laissant de côté ces vastes perspectives, nous voudrions nous borner à présenter en ce moment quelques réflexions sur la première portion du circuit, c’est-à-dire sur les rapports entre la Grèce et la République romaine : sujet fort important qu’a longuement traité l’éminent historien allemand Mommsen dans le dernier volume de son Histoire romaine et auquel d’autre part, M. Gaston Boissier, le savant académicien français a consacré l’an passé la dernière année de son cours au Collège de France. Ces deux historiens dont les points de vue et les méthodes diffèrent si complètement se sont donc accordés pour placer au faîte des monuments élevés par eux l’étude d’un phénomène social dont la portée leur apparaît très considérable. Cette coïncidence est à elle seule un enseignement.

Le préceptorat grec commença de bonne heure pour Rome. Il commença de façon involontaire et inconsciente bien entendu, et du fait des deux peuples. L’un, le peuple grec était grand colporteur de marchandises et d’idées ; l’autre, le peuple romain était dépourvu d’invention et d’imagination, ambitieux pourtant de dominer. Dans ce contraste, il faut chercher, n’en doutons pas, la puissante origine d’un contact qui ne cessa plus et d’en sortir en somme toute la civilisation présente.

Les débuts de Rome, que des légendes rétrospectives tentèrent d’embellir, furent vraisemblablement des plus modestes et n’attirèrent point l’attention des Grecs. Entre ceux-ci et les Latins la similitude de race pouvait exister bien que la chose soit discutable, mais la sympathie spontanée sans laquelle une telle similitude demeure un sujet de thèse ethnique mais ne prend pas rang parmi les faits historiques susceptibles de conséquences certaines, — cette sympathie n’existait pas. Disons-le tout de suite : d’un côté, elle n’exista jamais. Jamais, en effet, les Grecs ne purent s’accommoder de ce qu’ils nommaient la pesanteur romaine, et l’on pressent, jusque dans les manifestations de l’enthousiasme olflciel auxquelles ils se complurent quand le césarisme romain domina l’univers, la raillerie intérieure qui, dès le principe, s’était esquissée sur leurs lèvres et s’était parfois traduite, aux heures où le vainqueur témoignait d’une plus grande tolérance, en des satires cruelles. Du côté romain, au contraire, la sympathie fut réelle, sincère et durable comme nous le verrons tout à l’heure. Du reste,