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REVUE POUR LES FRANÇAIS

Rapports franco-allemands.

Certains journaux allemands sont tout à la conciliation. D’après eux le gouvernement impérial ne demande qu’à discuter avec la France, à lui abandonner le Maroc entier contre « certaines compensations ». Ils avouent nettement qu’en intervenant au Maroc, l’Allemagne n’a jamais eu la pensée d’y implanter définitivement son influence : elle voulait simplement y acquérir des avantages dont elle pourrait battre monnaie et qu’elle échangerait contre d’autres plus précieux pour elle.

Nous ignorons si ces propositions sont inspirées de la Wilhelmstrasse. En tous cas elles affichent un singulier dédain de notre diplomatie. Elles tirent un bien malin parti de la position ridicule dans laquelle nous nous sommes laissés mettre. Ainsi, après avoir été seuls maîtres de notre action au Maroc, après avoir tenu le pays à notre discrétion, nous en serions réduits à acheter aujourd’hui la faculté d’y jouer un rôle quelconque ? Nous serions dupes de l’illusion qui nous fait croire notre partie perdue parce que sont passés en des mains étrangères quelques-uns des atouts que nous possédions seuls jadis ? Non. Les ennuis dont nous sommes victimes sont venus bien moins de l’Allemagne que de notre indolence. Nos privilèges de fait subsistent, contre lesquels tous privilèges de droit sont impuissants : ils nous permettent d’écraser aisément par notre action l’action allemande. Il nous suffit de vouloir agir. Quand nous aurons payé très cher le désintéressement de l’Allemagne, nous n’en serons pas plus avancés, nous aurons simplement commis une nouvelle sottise.

Reste à examiner quelle sorte de « compensation » attendent de notre part les journalistes d’outre-Rhin partisans de nous laisser carte blanche au Maroc. La principale consiste en notre concours financier à l’entreprise allemande du chemin de fer de Bagdad. Cette question vaut d’être étudiée très sérieusement car elle engage l’avenir de l’influence française en des pays très riches où il lui appartient de jouer un rôle immense. Le chemin de fer de Bagdad se fera, c’est certain, dans un temps plus ou moins éloigné, avec ou sans nous, mais il est certain qu’à défaut de notre concours il ne sera pas achevé de longtemps. Les Allemands, qui en sont pressés, attachent donc un énorme prix à notre participation. D’autre part, nous avons intérêt nous-mêmes à conserver sur ce chemin de fer un droit de contrôle qui nous permette de sauvegarder nos