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AU BUREAU DE POSTE

ouest, amène les éléments les plus divers : Islandais, Galiciens, Suédois, Allemands, Russes, Italiens, Américains… et le flot monte si rapidement que l’élément britannique n’y représente plus que cinquante pour cent de la population totale. D’autre part, il semble bien que les Français se sont montrés, au cours de ces dernières années, plus jaloux que par le passé de conserver intacte leur nationalité. Ils arborent le drapeau tricolore que certains d’entre eux voudraient remplacer par un emblème du Sacré Cœur entouré de fleurs de lys. Ce qui assura leur fidélité à la couronne d’Angleterre à l’époque de la guerre d’indépendance, c’est la haine que professaient leurs prêtres à l’égard du puritanisme, haine qu’ils tournèrent ensuite contre la France révolutionnaire. Un Te Deum en l’honneur de Trafalgar fut chanté à la cathédrale catholique de Montréal.

À cette époque et hier encore, les prêtres étaient gallicans. Aujourd’hui les jésuites prédominent. Ils sont parvenus, grâce au vote des catholiques, à faire rétablir en leur faveur la dotation supprimée lors de la dissolution de leur ordre en 1773. Québec est demeurée très française : elle n’aurait pas voté pour le contingent lors de la guerre sud-africaine et ne prendrait certainement jamais part à une guerre contre la France. Les sympathies des Canadiens français se sont manifestées au moment de la révolte des métis français dans le nord-ouest. Cependant le clergé, si longtemps omnipotent, commence à perdre son influence. Les franco-canadiens qui vont en grand nombre travailler dans les fabriques de la Nouvelle Angleterre en rapportent des idées républicaines. Leur race est toujours prolifique car les prêtres encouragent les jeunes gens à contracter mariage de bonne heure. Ils ont chassé les Anglais des terres situées au sud du Saint-Laurent, ils avancent dans la partie orientale de la province d’Ontario et au nord de la ligue du Canadian Pacific. Ils aspirent à s’étendre dans le nord-ouest, mais il n’est pas probable qu’ils y réussissent. Ce sont des gens simples, aimant la famille, laborieux, arriérés en matière d’éducation et d’hygiène. Mais ces rejetons de la France des Bourbons « sont comme un iceberg dans une mer tiède[1]. »

L’immigration américaine, de plus en plus considérable, jouera un très grand rôle dans l’avenir du Canada. Elle amène des hom-

  1. Les lecteurs de la Revue pour les Français ne manqueront pas de remarquer combien cette conclusion est peu en accord avec ce qui précède.