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REVUE POUR LES FRANÇAIS

du Canada, l’Angleterre a considérablement diminué la résistance du lien politique qui retenait sa colonie au moment même où la solidarité de race allait s’aflaiblissant sous l’influence de l’immigration sans cesse croissante. Il faut en effet s’en rendre compte : si l’on retranche les catholiques irlandais qui, d’ailleurs, ne sont pas anglophiles, il n’y a que la moitié de la population qui soit britannique.

Toutefois la séparation politique, si elle venait à se produire, n’entraînerait pas à sa suite la séparation parallèle du cœur. Au contraire la « friction » qui existe actuellement disparaîtrait avec le lien politique, et l’amertume de l’heure présente se dissiperait aussitôt. L’Angleterre gagnerait même à une séparation politique une influence morale qu’elle ne possède pas actuellement dans les conseils du « continent occidental ».

Entre autres choses léguées aux colonies par la mère patrie était le système du gouvernement par deux grands partis d’opinions opposées alternant au pouvoir. Mais aujourd’hui les partis ne sont plus que des factions uniquement occupées de se pourvoir et de caser les leurs. À une session récente, l’opposition à une mesure inconstitutionnelle s’est évanouie au bruit répandu que le gouvernement proposerait une augmentation de traitement pour les deux chambres, un traitement pour le chef de l’opposition et une fournée de pensions. Si un esprit indépendant s’élève pour protester contre de pareils agissements, les deux factions se mettent bien vite d’accord pour le priver de son siège. Malgré l’introduction par le gouvernement de semblables pratiques, il faut bien se souvenir qu’en fait et en droit le vrai gouvernement siège à Londres, puisque là sont situées la dernière cour d’appel, le commandement militaire et la source de toutes faveurs. Il faut se rappeler aussi que la constitution en vigueur n’a jamais été soumise à la nation et constater enfin que l’appareil gouvernemental est un appareil de luxe infiniment trop cher pour le pays, qui se trouve « beaucoup trop gouverné » par un gouverneur général, par les lieutenants de ce gouverneur, par les chambres législatives du Dominion et des provinces.

En tout ceci, que faut-il penser de l’avenir du Canada ? L’immigration, surtout dans les incomparables terres à blé du nord